RÉCEPTION DE M. ÉDOUARD ESTAUNIÉ A L7ACAD1MIE FRANÇAISE Le plus sévère, le plus tourmenté, le plus sombre des romanciers a eu, le'2 avril, la plus brillante, la plus frivole, la plus élégante des réceptions. M. Estaunié avait pour parrains M. le maréchal Focli, qu'il est sans doute inutile de peindre, et M. de Curel, couleur de terre cuite, l'oeil aux aguets, la barbe sauvage, l'habit boutonné comme une veste de chasse. Entre deux figures si caractérisées, M. Estaunié n'était pas moins remarquable. Un front fuyant et chauve, entre des cheveux en oreilles de loup ; des sourcils en barre ; des yeux enfoncés dans une ombre triangulaire ; un grand nez courbe auquel pendent deux moustaches claires. Il lit d'une voix un peu blanche, mais sensible et bientôt émouvante. Et il a fait un admirable discours. C'est être romancier que d'être critique. Car à quoi sert d'analyser un esprit, si on ne peut pas le recomposer ? Le bel ouvrage de démonter une montre, si on ne peut pas la faire marcher de nouveau ! Ainsi la critique comprend deux parties, l'une d'examen, l'autre de construction. C'est celle-ci qui est l'épreuve. Accoutumé à façonner des personnages, un romancier reconnaît plus aisement que personne les ressorts, les engrenages, les cames et les butées des machines vivantes, et il les ajuste sans peine. Il est vrai que l'âme humaine est complaisante, plastique, et plus facile à mouler que le feutre et le cellulo. On l'a bien vu hier ; pilonner Capus, et en fabriquer un roman d'Estaunié, il semble que ce soit une gageure d'alchimiste. L'esprit |