938 REVUE DES DEUX MONDES. l'on croise en les accompagnant de la mention « Piste » en lettres énormes. Bref, et à tous égards, le réseau routier du Maroc est usa réseau qui pourrait servir d'exemple à toute l'Europe. La conséquence de cet état de choses ne s'est pas fait attendre. La circulation automobile a pris au Maroc une importance considérable. Des cars énormes et très rapides transportent les voyageurs d'une ville à l'autre. Les indigènes n'ont pas tardé à user abondamment de ce mode de transport, et rien n'est plus pittoresque que ces cars que l'on croise si souvent et où les burnous, les djellabas et les turbans s'entassent parmi les femmes, qui, perdues dans l'enveloppement énorme de leurs voiles blancs, risquent un oeil et un seul, — littéralement, à travers la mince ouverture qui seule accède à leur visage. Tout cela fait que le Maroc est le pays le mieux adapté qui soit au tourisme automobile. Si le maréchal Lyautey a tenu la main à ce que ce pays soit pourvu d'un pareil réseau routier, ce n'est pas seulement en vue du tourisme, si important qu'il soit. C'est que la route, en ces pays, permet plus facilement « de montrer la force pour n'avoir pas à s'en servir ». C'est que, partout, elle assure excellemment cette sécurité des personnes et des lieux que les commerçants et les agriculteurs indigènes doivent à la France, qu'ils apprécient et qu'ils ignoraient trop souvent aux temps anarchiques et récents du brigandage organisé. L'ouverture des nombreux chantiers de construction des routes et des ponts par lesquels, de toutes parts, elles enjambent les oueds a eu par ailleurs les plus heureux effets en procurant à maint indigène, — naguère voué à la rapine, — du travail et des salaires rémunérateurs. C'est donc par la route et en auto et non pas en chemin de fer qu'on voyage en général au Maroc. Il n'en est moins vrai que le chemin de fer joue un rôle important dans la vie économique du pays. En ce qui concerne le chemin de fer à voie normale, le vaste programme qui a été conçu n'a pu recevoir jusqu'ici qu'un commencement d'exécution à cause des traités internationaux qui nous ont fait une obligation, dès notre installation au Maroc, de n'entreprendre aucun chemin de fer commercial, avant que la ligne de Tanger à Fez ne fût en construction sur toute sa longueur. Nous n'avons été délivrés de cette servitude que par la guerre, et à l'heure actuelle il existe, — en dehors du tronçon français de la ligne Tanger-Fez qui va de Petit-Jean à Fez (soit 112 kilomètres), 263 kilomètres de |