736 REVUE DES DEUX MONDES. animation, sa gaîté, son mouvement de négoce et ses foules militaires. Les splendeurs des éclairages, les nouveautés et les somptuosités des vitrines me fascinaient. Rien ne valait à mes yeux la rue Serpenoise, la rue des Clercs, la rue du Petit- Paris, avec les glaces et les étalages de leurs magasins. Certains de ces magasins, qui exhibaient des pièces d'orfèvrerie, des objets de piété, des ostensoirs, des saints tout fleuris de couleurs et tout chamarrés d'or, brillaient pour moi d'un éclat particulier. Je ne passais jamais sans y faire une longue station admirative devant la bijouterie Vever ou la confiserie Collignon, toutes deux sises rue Fabert. Ce confiseur, Collignon- Bonbon, comme on l'appelait, était depuis un siècle, au moins (car la maison est immortelle comme les maisons royales), ce Collignon, dis je, était, et il est encore, le roi des douceurs, le prince incomparable du chocolat fourré, de la.fraise pralinée et de la mirabelle confite. Ces friandises délicates occupaient beaucoup plus mes yeux que mon palais, et elles se rangeaient, dans mes admirations, entre les colliers de perles et les émeraudes de la bijouterie voisine. C'est pourquoi un séjour à Metz était toujours pour moi une bénédiction. Comme j'étais sage et peu bruyant de mon naturel, on acceptait assez volontiers de me garder, même chez celles de nos vieilles parentes qui craignaient le plus les enfants. Deux de mes tantes surtout m'ont hébergé, en ce temps-là : ma tante Laprairie, qui habitait la rue de la Chèvre, et ma tante Forfer qui avait, à Queuleu, aux portes de Metz, une maison de campagne et un jardin. Chez l'une, je goûtais toutes les délices de la ville, ou, plus exactement, j'en contemplais les merveilles. Chez l'autre, je savourais les agréments d'une villégiature citadine. Sensualité et spiritualité, tout cela se mêle et finit par se caser, sans trop de heurts, dans nos âmes lorraines. Chez ma tante Laprairie, le logis et la discipline avaient quelque chose de plutôt ascétique. On n'y manquait pas un office de l'église Notre-Dame, la paroisse prochaine. On ne s'entretenait guère que de sujets édifiants et, quand on s'échauffait un peu, c'était pour comparer les mérites ou les talents oratoires de l'abbé X et du chanoine Z. Avec ses parquets cirés, ses armoires polies et soigneusement astiquées, ses murs nus, sans autres ornements que des images de dévotion, l'appartement saisissait, dès le seuil, par un aspect d'austérité un peu |