REVUE DRAMATIQUE HEDDA GABLER A LA COMÉDIE-FRANÇAISE Après l'Ennemi du peuple, voici Hedda Gabler à la Comédie-Française. C'est une des premières pièces d'Ibsen qui naguère aient pénétré chez nous et contribué à acclimater en France l'oeuvre du dramaturge. norvégien. Elle est en effet l'une des plus accessibles à un public français, le type de femme qu'elle met, ou remet à la scène, nous étant familier depuis les beaux jours du romantisme. La femme fatale'. Outrageusement, le romantisme l'avait magnifiée. Il lui avait fait une auréole d'aspirations vagues, il l'avait entourée de mystère : Ibsen lui enlève son prestige avec ses voiles. De l'empyrée où elle trônait dans les nuages, il la fait descendre dans un cadre de médiocrité quotidienne. La pièce d'Ibsen est cela même : l'étude réaliste d'un type romantique. Dans la vilaine âme de son héroïne, l'analyste impitoyable discerne d'abord l'élément premier de méchanceté foncière et native. C'est la part de l'instinct que chacun apporte avec soi. Hedda, à la pension, aimait à martyriser ses petites camarades : elle menaçait de brûler les cheveux de l'inoffensive Théa, qui se mourait de peur. L'enfant promettait : tout ce qu'elle promettait, la femme le tiendra. Jeune fille, elle est une curieuse. Elle a pris pour flirt un débauché, Eylert Loevborg, dont les confidences lui ouvrent un monde où ne fréquentent de coutume ni les jeunes filles, ni les femmes honnêtes. Et il va sans dire qu'elle est une orgueilleuse. Fille du général Gabler, on la voyait caracoler aux côtés de son père, le chapeau en bataille. Comment cette amazone a-t-elle épousé ce pauvre homme de Georges Tesman ? Mais comment s'expliquent tant d'unions mal assorties ? Tesman est le rat de bibliothèque, incapable d'affronter la lumière |