908 REVUE DES DEUX MONDE S. de noeuds et de fanfreluches, la figure avenante et rose sous son bonnet d'aïeule où passaient des mèches grises, une bonne grand maman toute riante, et lui tendant la main, une main ronde, très blanche et potelée de commère qui avait dû jadis, dans les réparties comiques, distribuer nombre de soufflets à bien des drôles. C'était Mme Gonthier, la bonne « maman » Gonthier, celle que tant de créations joviales et de franc rire, depuis les rôles de la nourrice dans Fanfan et Colas, de Mathurine dans Blaise et Babet, jusqu'à l'admirable et ridicule Tante Aurore de l'opéracomique de Boïeldieu, avaient rendue célèbre auprès du public populaire. Toujours badine, gaie et plaisante à la façon de ces personnes de l'autre siècle dont la jeunesse avait été une fête perpétuelle, une sorte de parade rustique et galante ani:née de gavottes, farcie de révérences, et que des airs d'ariettes aimables et languissants, des couplets poissards d'une brutale franchise avaient dû bercer tour à tour, « grand maman » Gonthier avançait à petits pas. Comme eût dit Perrault jadis, en parlant de Mère Grand, elle était en collet monté, et sa robe d'indienne, sous son grand châle de damas feuille-morte, la faisait ressembler à une fée des contes ; mais c'était une fée bienfaisante, dont les propos portaient toujours à rire, et dont les prédictions, faites.sur un ton de moquerie et d'affection, étaient toujours heureuses. A la vue de cette petite Desbordes, qui venait d'incarner si bien la Claudine de Florian, il n'y avait pas de sort favorable que Mme Gonthier ne fût en humeur de prédire à la débutante. C'est qu'une petite Claudine de cette sorte, mignonne, parée, et qui avait joué avec tant d'âme son joli bout de rôle, une villageoise délicate, pimpante, attifée à la mode ancienne, cela rappelait bien des souvenirs à « maman » Gonthier. Nous qui voyons ces choses avec le recul des années, et si loin que cela nous reporte à l'époque où Philidor, Grétry et le touchant Sedaine se partageaient le théâtre, il nous semble que « maman » Gonthier appartient, par ce recul même, à cette galerie inimitable et maintenant légendaire où vit sous un ciel d'opéra, parmi le trantran des musiques, dans le tintement des grelots et la bourrée des Auvergnats, ce monde fantasque et délicieux qui commence à Compère Guilleri, M. Dumollet, et finit avec la Mère Bontemps, Cadet Roussel et Madame Angot, |