880 REVUE DES DEUX MONDES. M. Beloiseau réprima un frisson. Il contemplait tristement ses magnifiques cèdres que le soleil du soir arrosait de pourpre et d'or. Quoi 1... Fallait-il envisager le partage et la destruction de la propriété par une si douce soirée ? Philarète Pinsonneau mesura son avantage. — Tu n'as jamais songé, Hyacinthe... pour toi... avec l'influence dont tu disposes... Mais M. Beloiseau haussa les épaules. Je ne veux point aller à Paris... c'est trop dispendieux... et puis, cela m'exposerait à des rancunes. Non. Et il réfléchit un long moment, pendant lequel Pinsonneau garda le silence. Enfin, M. Hyacinthe Beloiseau prononça la phrase attendue : — C'est à toi, Philarète, que cela conviendrait... Tu as été député... — De divers côtés, on m'en parle en effet... je crois que j'aurais beaucoup de voix... Je ne sais pas. Je me tâte. Avant de me résoudre à quoi que ce soit, je voulais échanger des idées avec toi, te consulter... Ah ! si j'avais ton appui, je serais sûr de mon fait... — Je ne te promets rien, naturellement. Je réfléchirai. Réfléchis de ton côté. Vois les uns et les autres... mais enfin, peut-être y a-t-il là une occasion qu'il ne faut pas laisser perdre. Hyacinthe reconduisit son cousin à petits pas jusqu'à l'entrée du parc. Il ne l'abandonna qu'à la route. Pinsonneau, bonhomme, s'en fut, l'âme satisfaite. Il comprenait qu'auprès de M. Beloiseau et de ses semblables, sa cause était désormais presque gagnée. ** Le premier dimanche de septembre de cette année-là, jour de l'élection sénatoriale, marqua dans les annales d'Aubigné-le- Grand, chef-lieu du département de Sarthe-et-Loir. Dès huit heures du matin, les trois candidats se rencontrèrent dans la cour de la Préfecture, entourés seulement de quelques fidèles, car le gros des troupes électorales ne débarquait dans les rues d'Aubigné-le-Grand qu'à l'arrivée du train de neuf heures douze. Les concurrents eurent le loisir de se dévisager. Étaient en présence : le colonel marquis de Gensaye, |