730 REVUE DES DEUX MONDES. de manoeuvres ou de contre-maîtres, m'étaient hautement préférés. Cela,blessait beaucoup moins mon amour-propre que mon sens de la justice. Et pour moi qui aimais tant, qui admirais tant l'Église, c'était un pénible sujet d'étonnement qu'il m'en vint si peu d'aide et de réconfort. Solitaire et découragé, je frissonnais sous cette bise glaciale qui soufflait du sanctuaire. YI. - COMMENT JE FUS ENSEIGNÉ PAR L'IMPÉRIALE CITÉ DE METZ Ainsi, personne ne s'occupait alors de mon esprit ni de mon coeur. Je veux dire qu'aucun enseignement vivant et tonifiant ne pénétrait en moi. Mais, avec une imagination et une sensibilité comme les miennes, cet état de stagnation et de passivité pure ne pouvait durer. Comme les petites hirondelles de la mère Josset, qui ouvraient si furieusement leurs becs, mon esprit et tout mon être réclamaient une pâture. De moi-même, à travers ma torpeur, je cherchais cette pâture, et ce que mes pédagogues ne s'inquiétaient nullement de me donner, ce fut notre grande voisine, notre chère ville de Metz qui me le donna. Depuis longtemps, depuis toujours, j'en avais la familiarité. Nous y faisions de fréquents voyages et, de temps à autre, des séjours prolongés. Même pendant mes tristes années de Spincourt, il ne se passait guère de saison sans que j'allasse à Metz avec mes parents, ne fùt-ce que pour la foire du mois de mai, « les Foires » comme on disait, avec un rien d'emphase. Mes yeux d'enfantelet ont vu le Metz français d'avant 18'70, mais comme dans un songe. Puis, peu à peu, la chère vile m'apparut dans toute la variété de ses aspects, elle commença à exercer sur mon âme neuve de petit paysan une fascination, qui a duré jusqu'au moment où je rompis toutes mes attaches avec la terre natale. C'est surtout à ce tournant de ma douzième année, pendant les dernières semaines des vacances de 18'77, que notre vieux Metz me parla son plus clair langage, que j'en reçus un certain nombre d'impressions profondes et décisives. Et cela encore me marqua pour la vie. Depuis des siècles peut-être, Metz était, pour les miens, la ville par excellence, la capitale du pays, la seule et vraie capitale. Ceux de ma génération n'ont jamais pu s'ha,bi- |