858 REVUE DES DEUX MONDES. Syrie ». Mais, depuis lors, ce monarque déchu s'était assis sur un autre trône dont l'éclat était partout vanté. Soit dans l'ombre protectrice de tel souk obscur où l'acheteur nonchalant et le vendeur, philosophe et peu pressé, oublient leur marché pour les délices de la discussion politique, soit dans tel petit café, où la fraîcheur de la rivière voisine et la fumée du narghileh font du hodja rêveur un auditeur de choix pour le voyageur ou le nouvelliste, les fidèles du roi de l'Irak louaient le grand souverain arabe, le sucesseur des khalifes de Bagdad, l'émule de leur gloire et évoquaient la splendeur d'une cour orientale... qui n'avait cependant encore d'autre ressemblance avec celle d'Haroun al Raschid que sa proximité du Tigre. Au même temps, son frère Abdallah s'était installé en Transjordanie ; la misérable bourgade d'Amman avait été promue au rang de capitale et la tente bédouine se transformait en palais émiral. Tous les membres de la famille hachémite n'étaient cependant pas pourvus. Mais la politique chérifienne n'avait jamais cessé d'être agissante ; elle allait se manifester à nouveau et, par un hasard imprévu, c'est la grande Assemblée d'Angora qui lui en fournirait une admirable occasion. Le Malik Hussein, dont le départ de la Mecque avait fait l'objet de démentis et de confirmations multiples, était arrivé le 18 janvier 1921 chez son fils Abdallah à Amman, aux confins de l'État de Damas ; il y avait été reçu en grande pompe par des délégations syriennes, palestiniennes, irakiennes ; le Patriarche latin de Jérusalem était venu le saluer le 19 ; puis ce fut le tour des autorités britanniques de Palestine le 21 ; et, pendant de longs jours défilèrent des leaders arabes, chrétiens, israélites, présentant leurs hommages au roi du Hedjaz. Enfin, le 8 février l'émir Ali, le fils aîné, réservé par la faveur paternelle au trône de Damas, rejoignit le groupe et se fixa temporairement au village de Chouneh, résidence d'hiver de son frère Abdallah. A la faveur de ce séjour et avec les appuis de tous genres fournis par quelques agitateurs exilés qui s'étaient concertés à Genève en septembre 1923 pour fixer leur programme d'action, commença une campagie très violente contre le mandat français en Syrie et une propagande non moins ardente en faveur de la candidature de l'émir Ali ; tout fut mis en oeuvre : envoi de dons en argent par le Malik à des chefs de Gouvernement syriens et à des municipalités syriennes ou libanaises ; échange |