LA SYRIE ET LE LIBAN SOUS LE MANDAT FRANÇAIS. 841 II. - L'ORGANISATION DE LA JUSTICE L'administration d'une saine et égale justice est, dans tout pays civilisé, une des premières tâches qui s'imposent à l'attention d'un Gouvernement. La Société des nations a rappelé cette obligation à la France quand, lui confiant sa mission éducative en Syrie et au Liban, elle lui a recommandé, par l'article 6 de la déclaration de mandat, « d'instituer en Syrie et au.Liban un système judiciaire assurant, tant aux indigènes qu'aux étrangers, la garantie complète de leurs droits ». Le général Weygand se conformait strictement à cette directive, lorsqu'en tout lieu et en toute occasion, avec une inlassable persévérance, bravant pour ses déclarations la monotonie et la répétition au profit de la sincérité et du don de persuader, il enfermait, en trois mots, vite connus des populations soumises à son administration, l'essentiel de son programme  : « Sécurité, Justice, Prospérité ; » les deux premières parties de ce programme étaient donc réservées à l'ordre public et privé et au principal moyen de le faire respecter, à la justice. L'importance donnée à cette dernière n'a rien qui doive surprendre dans des régions comme la Syrie et le Liban. Il serait souverainement faux de songer à établir une comparaison entre une nation comme la France, entraînée depuis des siècles à l'unité, à la centralisation des pouvoirs, à l'indépendance, connaissant depuis des années l'égalité et l'expérience des libertés essentielles, dotée d'administrations traditionnelles, spécialisées et hiérarchisées, et de jeunes États comme le Liban ou les États de Damas et d'Alep qui en sont à l'apprentissage de tous ces principes et que, circonstance aggravante et funeste, un lourd et long passé d'oppression, de servitudes diverses, de dissensions politiques et de luttes religieuses a fatalement entraînés vers des pratiques opposées. Il a fallu se plier à tant de civilisations différentes, changer si souvent de maîtres, s'accommoder de tant de religions ennemies sur ces terres qui ont vu naître les plus grandes d'entre elles et qui entretiennent encore la plupart de leurs schismes et de leurs dérivés que, dans ce chaos, à la recherche de modus vivendi constamment bouleversés, on a perdu ou