818 REVUE DES DEUX MONDES. nion de famille, trop brève au goût de ceux qui en savouraient les minutes rapides, lorsque Mme de Beaulieu dit tout à coup : « Henriette, voici la clef de la petite porte située au fond du parc. Allez-y. Lorsque vous entendrez frapper trois coups, vous demanderez : Qui est là ? et, par trois fois, on vous répondra : Citoyen. Ouvrez alors, mais retournez aussitôt la tête, et donnez-vous garde de regarder la personne qui vous suivra. » M11e de Rochemont avait ordre d'introduire l'inconnu dans le salon, laissé obscur à dessein. Quelques minutes plus tard, elle atteignait la petite porte du parc. Trois coups, une question, trois réponses. Elle ouvre, haletante. Elle se retourne vivement et marche vers la maison. Elle n'a rien vu, bien que la nuit soit claire. Derrière elle, la neige feutre les pas de l'homme qui la suit, car c'est un homme, un soldat. Elle entend sonner ses éperons, et le fourreau de son grand sabre battre de temps à autre les troncs des arbres. Comment la jeune fille et celui qui la suivait purentils entrer dans le château, dont toutes les issues étaient gardées ? La relation a négligé de nous l'apprendre. Il est probable que les gendarmes, avertis par Mme de Beaulieu qu'un officier républicain, parent de M. de Rochernont, allait arriver, ne firent aucune difficulté pour le laisser passer. Quand Henriette eut annoncé à Mme de Beaulieu que ses ordres étaient exécutés : « Henriette, lui commanda celle-ci, passez au salon. » Henriette obéit. Elle distingua dans la pénombre un grand officier de dragons qui, le casque en tête, lui dit : « Ma fille, agenouillez-vous et confessez-vous. » Henriette, toujours obéissante, s'agenouille. L'abbé Féret, car c'était lui, et je pense qu'il révéla sa qualité à la jeune fille, a raconté plus tard qu'Henriette se confessa, et « sortit bien satisfaite de son dragon ». Ce fut alors le tour du fils de M. de Beaulieu : « Antoine, lui dit son père, allez au salon. » Le pseudo-officier lui ordonne comme tout à l'heure à la jeune fille : « Agenouillez-vous et confessez-vous. » Antoine recule, mais l'abbé Féret, lui plaçant la main sur l'épaule d'un air grave, répète son ordre. Le jeune homme reconnaît le prêtre qui l'a élevé, il obéit. Pouvaient-ils, Henriette et lui, ne pas avoir quelque pressentiment de ce qui se préparait ? Ce n'était pas pour confesser les victimes d'un massacre éventuel que le prêtre était venu. En |