698 REVUE DES DEUX MONDES. sine. » M. Boylesve excelle à ces petits tableaux ou à ces vignettes qui ornent les pages du livre et amusent l'imagination du lecteur, ses yeux même, tant elles sont nettement dessinées, avec un art très sûr et ingénieux au point de les rendre visibles. Une petite âme, et très fine, très variée, mais ordinaire et je veux dire bien normale ou analogue à celle que nous avons accoutumé de voir en train de s'épanouir à leur printemps, comme l'âme de M" de Chamarande, est parfaitement à son aise dans ce récit subtil et simple que lui consacre M. Boylesve, ainsi que dans son château des bords de Loire. Il faut à Mme de Blou et à M. Barégère d'autres romans. Ces deux-là ont des âmes terribles ; et, à la première page des Souvenirs du jardin détruit, M. Boylesve informe son lecteur de l'embarras où il se trouve. M. Barégère, son personnage, — comme il l'a inventé, mais comme il l'a vu, ou comme il l'a inventé à la ressemblance de ce qui se voit, de ce qui est possible et vivant, - son personnage pose un problème que la psychologie ne résout pas. L'analyse la plus délicate ne découvre pas, en M. Barégère, le secret d'une âme qui se comporte à la façon de M. Barégère : une telle âme, que l'on ne parvient pas à expliquer, semble monstrueuse ; elle est cependant réelle. Anormale ? Riche, en tout cas. Et alors M. Boylesve demande : « La psychologie consiste-t-elle uniquement à fournir la solution définitive des problèmes ? Ou bien ne demeure-t-elle pas dans son rôle quand, faute de pouvoir mieux faire, elle se borne à les poser ?... » Il répond : « Nous mettons une véritable furia francese à vouloir tout tirer au clair. C'est l'ardeur la plus louable ; mais lorsqu'il se trouve qu'une question est trouble encore, n'appartient-il pas au roman, — genre libre, s'il en fut, — de signaler le cas où nous ne voyons pas très clair ? Il me semble, quant à moi, que le domaine de l'amour, qui est pourtant le plus exploré, est celui qui plonge chaque jour dans la stupeur les esprits les plus avertis. » Qu'est-ce donc que ce Barégère ? On pourrait l'appeler l'homme aux deux amours. Il aime, d'un amour égal, et en même temps, deux femmes. Il ne saurait choisir entre elles sa préférée, celle à laquelle il sacrifiera l'autre. Et elles soutirent l'une par l'autre ; il ne saurait leur épargner cette souffrance, qu'il endure lui-même et qui vient de lui. C'est un maniaque ? C'est un homme d'une très haute et noble intelligence : un médecin, de grande valeur, et qui fait de son art une science ; la raison même, et une sensibilité la plus fine. Un très honnête homme, et très bon. Sa femme l'aime à la passion : char- |