670 REVUE DES DEUX MONDES. damental le placement ouvrier ; elles devaient aussi poursuivre des enquêtes permanentes sur les conditions économiques et sociales de la production. En fait, elles dévièrent aussitôt du but qui leur était proposé et, au lieu d'organes techniques, ne furent que des instruments de lutte de classes. Elles répondaient ainsi à l'idée de Fernand Pelloutier, leur fondateur, qui voyait dans cette institution « la cellule d'où sortira la société future : cette société aura pour base l'association, volontaire ou libre, des producteurs ». En opposition avec la Fédération des Syndicats s'organisa la Fédération des Bourses (1892). Trois ans après, au Congrès de Limoges (1893), fut créée la premièreC. G. T. Peu à peu les syndicalistes purs l'emportaient sur les politiciens qui suivaient le drapeau de Jules Guesde. En vain celui-ci soutint au Congrès international socialiste de Londres (1896) que la classe ouvrière ne peut pas se désintéresser du gouvernement... « En dehors de cette thèse, il n'y a que mystification ; il y a plus, il y a trahison. » Cette doctrine était alors celle de tous les socialistes francais. « Seuls Jaurès et Vaillant, dit un écrivain syndicaliste, I11.Dubreuil, dans l'Information sociale du 28 décembre 1922, pénétrèrent le sens profond de l'action ouvrière jusqu'au point de comprendre son autonomie totale. Au milieu des hommes du socialisme, ils furent sur ce point des sortes d'hérétiques, dont personne aujourd'hui ne semble vouloir suivre la tradition, et se distinguent d'une certaine foule installée dans leur sillon, sorte de demi-monde socialiste, qui regarde surtout la classe ouvrière comme un excellent marchepied pour se hisser aux plus hautes fonctions de l'État. » En vain le Congrès de Londres décida que l'action législative et parlementaire était un des moyens nécessaires pour substituer le socialisme au régime capitaliste. La jeuneC. G. T., au Congrès national corporatif de Tours, invita les organisations ouvrières à se tenir à l'écart de toute action politique. Comme l'écrit encore M. Dubreuil, le syndicalisme n'est pas socialiste, tout au moins au sens doctrinal et politique que ce mot renferme maintenant. Pour mieux dire, les ouvriers poursuivent leur action sur le plan économique, sans savoir si elle est socialiste et en se désintéressant très justement de savoir si elle concorde ou non dans ses moyens et dans ses buts avec le socialisme politique. |