666 REVUE DES DEUX MONDES.1 heure I Mais je distingue le conte... » etc ! Et le voilà parti, oubliant Félix et Olivier pour parler d'Ilomère et de Virgile, de Cervantès et d'Ilamilton, des verrues qu'on a au front et de la poussière qu'on a sur ses souliers. Je n'ai nulle envie de médire de lui, j'aime son moi débordant, sa verve jaillissante, j'admire sa surabondance d'idées, je ne lui reproche ni son décousu ni son bavardage qui est celui d'un homme de génie. Mais enfin, quoi de plus différent de tout cela que l'art de Mérimée, que ses nerveux raccourcis, et tout particulièrement dans Mateo Falcone ? Une page et demie pour poser le décor et nous expliquer ce que c'est en Corse qu'un maquis, deux pages pour nous présenter Mateo et le définir, et déjà l'action est engagée : c'est le bandit, blessé, traînant la jambe, qui survient en l'absence de Mateo et que le petit Fortunato cache dans un tas de foin ; presque aussitôt, l'arrivée des voltigeurs, des « collets jaunes », la tentation, l'infâme tentation à laquelle l'adjudant soumet l'enfant en lui promettant une montre, s'il livre le fugitif et en la faisant scintiller à ses yeux au bout de la chaîne, le retour inopiné de Mateo et de Giuseppa à la minute mème où l'enfant a succombé et livré Gianetto, — et, dès que les soldats partent avec leur prisonnier qui crache sur le seuil en disant : « Maison d'un traitrel... » le dénouement prévu, inévitable, foudroyant : Fortunato, va auprès de cette grosse pierre. L'enfant fit ce qu'il lui commandait, puis il s'agenouilla. - Dis tes prières. - Mon père, mon père, ne me tuez pas ! - Dis tes prières ! répéta Mateo d'une voix terrible. L'enfant, tout en balbutiant et en sanglotant, récita le Pater et le Credo. Le père, d'une voix forte, répondait Amen ! à la fin de chaque prière. - Sont-ce là toutes les prières que tu sais ? - Mon père, je sais encore l'Ave Maria et la litanie que ma tante m'a apprise. - Elle est bien longue, n'importe L'enfant acheva la litanie d'une voix éteinte. - As-tu fini ? - Oh 1 mon père, grâce l pardonnez-moi 1 Je ne le ferai plus 1 Je prierai tant mon cousin le caporal qu'on fera grâce au Gianetto i |