658 REVUE DES DEUX MONDES. brefs récits, l'Adieu, El Verdugo, le Réquisitionnairé, l'Auberge rouge, qui datent du même temps et qui entreront clans ses Études philosophiques, ou ceux encore, comme les Souvenirs d'un paria et Échantillon de causerie française, qu'il fait paraitre dans la Mode ou la Silhouette, et ne recueillera pas dans la Comédie humaine ? De son côté, rppfer va donner la Bibliothèque de mon oncle, Mme de Girardin, le Lorgnon et la Canne de M. de Balzac. Mérimée n'a pas inventé la nouvelle, il n'a pas eu même à la remettre à la mode. Mais il y a fait preuve d'une telle originalité, il s'y est montré si supérieur à ses rivaux qu'elle a l'air de dater de lui et de n'exister que par lui, Cela ne signifie pas, bien entendu, qu'il se soit formé tout seul. Il a eu des maîtres. On en a toujours, si original qu'on puisse être, et à mon gré, dans l'étude de M. Trahard, la partie la meilleure est celle où, cherchant à déterminer les origines de son art, il remonte tout d'abord aux nouvellistes espagnols et français du xvile siècle. La novela, telle que l'avaient réalisée surtout Maria de Zayas et Solorzano, est un court récit romanesque, parfois comique, plus ordinairement tragique, d'une psychologie rudimentaire, mais qui prend sa substance dans la vie réelle de l'Espagne et où se reflète un peu de l'âme d'une race. Scarron en a donné de très savoureuses adaptations, L'Amante invisible, les Deux frères rivaux, etc., qui ont de quoi plaire aux délicats. On ne dira jamais assez combien grande a été l'influence de la novela sur nos conteurs d'autrefois, et non seulement sur Scarron ou Segrais, mais sur Mme de La Fayette, mais même sur l'abbé Prévost. Il y a dans le génie de l'Espagne une ardeur concentrée, je ne sais quoi de dramatique et de violent en même temps que d'aventureux, qui a toujours séduit l'âme française et que personne n'a goûté plus que Mérimée. Lui qui lisait et relisait Calderon, qui pouvait le lire sans le secours d'une traduction, mais qui n'ignorait pas la collection, en si grande faveur à son époque, des Chefs-d'oeuvre des théâtres étrangers, je ne doute pas qu'il n'y ait remarqué, dans la préface du Siège ale l'Alpujarra, la saisissante relation de Ginès Pérès de IIita dont Calderon a tiré sa pièce. C'est une sorte de novela qui s'introduit dans l'Histoire des guerres civiles de Grenade ; c'est la vengeance d'un Maure, en deuil de celle qui allait être sa femme et qu'un Espagnol a tuée ; lentement, |