628 fEVUE DES DEUX MONDES. IV Donc Saint-Orner ne pouvait pas ne pas être une ville forte ; 'elle est une nécessité de défense. Autour d'elle, avant ou après elle, ont surgi dans la région d'autres lieux forts. Quelques-uns g ardent jusqu'aujourd'hui trace de leurs anciennes défenses- Les restes que nous en voyons ne remontent pas jusqu'aux temps primitifs : c'est évident. Mais ils marquent les points mêmes où la nécessité des premiers dangers avait fait surgir les premières enceintes. Une porte est debout à Tournehem ; et la Montoire, château légendaire des grandes guerres, est une ruine grandiose, enfouie sous les broussailles d'un grand parc ; quand on fouille sous les ruines, on trouve éperons, mors, chausse-trappes, témoins des anciennes violences. Les anciens lieux forts dominent les rivières et les marais, soit sur le bord, soit au beau milieu sur quelque renflement du sol. Sur la Lys, la situation est la même que sur l'Aa. C'est là qu'a été fondée Thérouanne, la plus vieille ville des Morins. Aire est une autre place ancienne, mais un peu moins. Sa bonne physionomie d'aujourd'hui aimable et pacifique, sa bonne rue commerçante, ses recoins endormis semblables à des béguinages, ne rappellent guère la place forte — moins peut-être même que S'aint-Orner. Aire est groupée, de même que Saint-Omer, autour de ses églises et de ses monastères. Elle a gardé, plus que Saint-Omer et d'autres villes encore, la poésie et les légendes mêmes des premiers âges féodaux. Car nous sommes là en plein légendaire. Les bords de la Lys foisonnent de récits fabuleux. C'est le pays de saint Venant et celui de sainte Isbergue. J'ai connu encore des gens qui, pour honorer la « Sainte aux anguilles », venaient porter, en son nom, les plus belles anguilles dans les bénitiers des églises. Aire prétendait aux plus rares gloires du passé. A l'en croire, elle avait eu le tombeau de Pépin le Bref. Elle est peuplée de mémoires plus ou moins apocryphes de l'âge des Carolingiens. C'est chez elle qu'a fleuri surtout l'imagination sur la légende des premiers seigneurs des Flandres. Au seizième siècle, elle croyait fermement avoir déterré dans des caveaux, avec une épitaphe en naïfs vers latins, la tombe de Lydéric, le premier de |