626 REVUE DES DEUX MONDES. l'église du haut. Un moine, d'une flèche au front, abat le chef normand. L'ennemi recule. Voilà qui nous donne l'image des lieux, en ces jours, qui sont si loin, et si près de nous. L'église du haut est devenue le lieu fort naturellement. On l'a fortifié à l'imitation de Cassel, l'antique Castellum du pays, dès longtemps et fortement retranché. On a dressé des palissades et élevé. une motte, qui était et devait rester le Château. On travaillait en hâte ; et, tandis que les gens bâtissaient, le patron Orner apparaissait à leurs yeux pour les exciter à l'ouvrage ! - Le patron n'a jamais quitté sa ville. Elle lui élèvera, bien plus tard, et quand la paix sera venue, un solennel tombeau. Dans les moments de répit que donnaient les Normands, on a pu entourer, non plus de palissades, mais d'un bon mur continu, non seulement l'église du. haut et le château, mais avec eux le bas, l'antique Sithiu et tout le terrain qui les sépare l'un de l'autre. Nous sommes déjà au Xe siècle. La ville a sa forme définitive. Dans cette région du Nord, la plaie des Normands a duré plus tard qu'ailleurs, et après même que la France eut endigué l'invasion en cédant la Normandie. C'est pendant ces temps-là que la ville a pris toute sa force et conquis toute sa population. Le château, les remparts, sont devenus vite fameux, et se transforment en un refuge universel. Le peuple de la région afflue dans la nouvelle ville. A l'abbaye on vient de bien plus loin encore : c'est d'abord des villes voisines, Thérouanne, Wormhoudt, puis des plus lointaines, Gand, Maubeuge, que des foules accourent, escortant jusqu'à Sithiu les corps saints des patrons. Voilà saint Winoc, saint Wulfran, saint Bayon, qui demandent à saint Omer refuge et hospitalité. Bien plus (et qui le croirait ?) de la Fontenille au pays de Caux, voici venir (après combien de journées de marche !) saint Wandrille ! Quel flot humain ! Il y a donc au fond du golfe une abbaye, des églises, un peuple, des remparts ; il y a aussi un château, et un chef féodal, le chdcelain. On découvre une activité croissante et des signes certains de prospérité. On bâtit d'abord par nécessité, et puis parce qu'on a 1.orgueil de sa force. et qu'on veut la faire paraitre leur effrayer l'ennemi. J'ai lu, et je retiens ce trait, qu'on pà.tissait des tours plus hautes et fortes, considérant que les |