486 REVUE DES DEUX MONDES. Vierge, en marbre blanc, qui se distinguait par une certaine pureté de style. Enfin elle avait laissé en place un buffet d'orgues, également Louis XV, et qui était du plus charmant effet. Le badigeon, en horreur à Victor Ilugo, un uniforme crépi jaunâtre, protégeait au moins les piliers et les voûtes contre les profanations modernes. Mais un curé passa, qui vous saccagea, bouleversa, barbouilla du haut en bas l'honnête héritage de ses devanciers. Les murs furent peinturlurés de couleurs et de figures criardes ouniaises, les autels et les statues rococo vendues à de bas mercantis et remplacés par des abominations de la rue Saint-Sulpice, les.stalles et l'orgue luimême expulsés pour du pseudo-gothique... Dieu merci ! cette dévastation n'était pas encore accomplie, lorsque je devins paroissien de l'église de Briey. Le vieil orgue, en particulier, faisait mon émerveillement, avec ses pots de fleurs chantournés et ses attributs musicaux en bois doré, ses séraphins qui jouaient de la flûte ou du violoncelle, en balançant leurs jambes nues des hauteurs de la tribune... Ces séraphins virtuoses devinrent tout de suite mes amis, en même temps que deux autres, qui leur ressemblaient comme des frères et qui, ceux-là, étaient peints au milieu d'une grande fresque, au fond de l'abside. A ce groupe angélique je dois joindre une fort belle personne que j'ai beaucoup aimée et admirée, à cette époque. Elle est en bois peint (car elle existe encore : c'est une Marie-Madeleine, reléguée dans la chapelle du cimetière, avec un certain nombre de figurants, qui composaient une Pieta autour du Crucifié et des deux Larrons. Toute cette sculpture exécutée à la manière de Ligier-Richier est empreinte d'un réalisme assez vulgaire. J'avais peu de goût pour ces pieux personnages, qui, vraiment, ne payaient pas de mine, quand ils ne montraient pas des figures tout à fait patibulaires. Mais sainte Madeleine m'attirait par je ne savais quel charme. Les cheveux épars, agenouillée dans une robe à traîne, la taille serrée dans un corsage à basquines et à gigots, elle tend vers la croix ses deux mains suppliantes, en laissant couler de ses yeux des larmes grosses comme des rousselets... Quand je devais aller au cimetière, je ne manquais jamais de cueillir, chemin faisant, un bouquet de fleurs des champs et, me haussant sur la pointe des pied je le dé_:pûsais pieusement entre les mains de cette belle sainte... |