314 REVUE DES DEUX MONDES. sionnats de religieuses, et la littérature latine aux étudiants ecclésiastiques de l'École des Carmes. On apprenait à la fin de 1853 qu'il allait, à la suite d'un brillant concours, devenir, dans le Panthéon rendu au culte, membre du chapitre de Sainte- Geneviève. Mais les premiers mois de 1851 lui ouvraient un autre champ d'action : c'est à la Sorbonne qu'il entrait comme professeur, à la demande de Mgr Maret, qui voulait rajeunir la Faculté de théologie. C'en était fait, dès lors, faute de loisirs, de la Bibliothèque pieuse et instructive à l'usage de la jeunesse chrétienne, dont un éditeur lui avait confié la direction : les brochures qu'il avait projetées et qui devaient s'intituler : « Charité au dix-neuvième siècle ; Foi et Martyre ; Martyrs en Chine et au Tong-king ; Triomphes de la foi sur la barbarie » ne devaient jamais voir le jour. En choisissant ces sujets de brochures, il avait voulu, semble-t-il, ménager à sa pensée quelques beaux terrains d'émigration. Mais il fallait qu'elle rentràt au logis ; ses précédents succès de Sorbonne emprisonnaient définitivement Lavigerie dans une chaire de Sorbonne : docilement il acceptait, et il allait y traiter, six ans durant, de l'école d'Alexandrie, du protestantisme, du jansénisme. Il fit ses cours avec plus d'ampleur que d'érudition minutieuse : ainsi le voulait la mode du temps, qui avait ses avantages. Ceux qui connaissaient sa nature remuante eurent tôt fait de sentir que, dans sa dignité professionnelle, Lavigerie manquait d'entrain. Nous avons à cet égard le témoignage d'Hilaire de Lacombe, secrétaire de la commission parlementaire qui avait préparé la loi Falloux (1). 11 était, nous dit-il, « languissant et triste, désoeuvré : il attendait sa voie. Tout indiquait que la Sorbonne, lieu d'étude et de retraite, ne lui serait qu'une étape. Cette respectable Sorbonne devait sembler un peu morte à ce jeune homme que l'esprit de vie travaillait. » L'excellent observateur qu'était Hilaire de Lacombe avait donc l'impression que ce maître de Sorbonne, tout en accomplissant consciencieusement son métier, se tenait à la disposition d'une autre destinée, et qu'il l'attendait. Le mot de son ami Bourret continuait de se vérifier : Lavigerie débordait les cadres. Il les débordait, mais sans manoeuvrer lui-même pour les (1) Bernard de Lacombe, Correspondant, 10 novembre 1909, p.893. |