302 REVUE DES DEUX MONDES. pendant quatre ans, son commerce, son réapprovisionnement ont été pratiquement arrêtés ; sa vie sociale a été troublée ; aujourd'hui encore, cette Puissance est loin d'avoir retrouvé son équilibre. Le blocus n'a pas moins atteint la Hollande ; ses ports ont été désertés ; ses maisons de commerce ont dû réduire leurs affaires au minimum, et sa situation eût été plus tragique encore si, comme le colonel Repington l'expliquait récemment, les armées allemandes avaient mis à exécution leur projet primitif d'utiliser son territoire pour le passage de leur aile droite. Personne n'oserait affirmer qu'elles ne chercheront pas dans l'avenir à le rééditer. A côté des neutres, il y a les bénéficiaires des traités de paix. L'écrasement de l'un quelconque d'entre eux ouvrirait `atalement la porte à une revision générale. La victoire de l'Allemagne sur la Pologne poserait aussi bien la question de l'Alsace-Lorraine, des territoires de Malmédy et d'Eupen que celle de la Bessarabie et de la Transylvanie. L'Angleterre ellemême en subirait probablement le dangereux contre-coup, car, la France à terre, ses agresseurs ne s'arrêteraient certainement pas en si bon chemin. Le peuple d'outre-Rhin, si tenace, si opiniâtre, n'a pas oublié sa devise : « Notre avenir est sur l'eau ». Ceux qui douteraient de sa continuité de vues à cet égard n'ont qu'à méditer, pour se convaincre de leur erreur, le bilan de ses constructions navales depuis l'armistice et à passer en revue le nombre des chantiers de même ordre qui, dans les pays neutres, sont rachetés depuis deux ans par ses armateurs. Aussi bien, de fort bonnes raisons nous incitent à penser que l'Allemagne n'a pas renoncé davantage à l'espoir de reconstituer son empire colonial perdu, considéré par elle comme l'exutoire nécessaire à sa puissante natalité. Supposons que la victoire lui permit à la rigueur de se payer sur la nation française, que penserait-on à Londres à la vue du pavillon allemand flottant sur Bizerte, Alger ou Casablanca ? Il serait certes autrement dangereux pour la route des Indes que le nôtre, sans compter qu'il préparerait peut-être la mainmise d'un commerce rival sur une foule de marchés où nos ressortissants n'ont jamais émis que des prétentions modestes. Si, en fin de compte, l'Allemagne victorieuse se décidait à lancer sur l'Angleterre la formidable flotte aérienne qu'elle prépare, bleu r |