470 REVUE DES DEUX MONDES. eux-mêmes, être justes, mais qui entraînent pour l'État une charge supplémentaire dont le poids risque de lancer le pays sur la pente de l'inflation. Il y a sans doute des fonctionnaires qui souffrent, mais qui donc, après une crise comme la grande guerre, ne souffre pas en quelque chose ? Dans les tranchées, nos soldats souffraient, sans se plaindre ; et, s'il est vrai que la guerre n'est pas finie puisqu'elle n'est pas payée, le salut de tous ne peut venir que de l'abnégation de chacun. D'ailleurs, à quoi bon des majorations de traitements si elles doivent se traduire par une dépréciation du franc ? Mieux vaudrait pour tous une politique de production, de travail et d'économies. Il a fallu trouver des recettes équivalentes, ou avoir l'air de les trouver : balancer des chiffres sur une feuille de papier c'est un travail assez aisé, équilibrer des recettes réelles c'est une autre affaire. Si on examine ces prévisions, on s'aperçoit -qu'une bonne partie ne représente pas des recettes effectives mais des majorations parfaitement arbitraires. On escompte d'avance, trop largement, des plus-values qui ne se produiront que si le Cartel des gauches rétablit la confiance en modifiant sa politique générale, et qui d'ailleurs, en bonne pratique financière, devraient servir à couvrir les insuffisances de recettes ou les dépenses imprévues. C'est ainsi qu'une plus-value de 270 millions est ajoutée par la commission à celles, déjà largement escomptées par le projet du ministre, qui proviendraient des nouvelles mesures de contrôle appliquées à l'impôt sur le revenu. Ces mesures sont fondées sur les signes extérieurs de la fortune, si bien qu'elles nous ramènent à des pratiques naguère âprement critiquées par M. Caillaux, par les radicaux et défendues par les modérés. On tient compte encore d'une recette supplémentaire du fait d'une rentrée accélérée de l'impôt sur les bénéfices de guerre, recette qui, dans un budget sain, devrait aller à l'amortissement. On admet, tout à fait arbitrairement, que le plan Dawes rendra 240 millions en sus du milliard déjà prévu et escompté. Enfin, on compte que, du fait de la majoration des traitements, les retenues pour la retraite se trouveront majorées de 295 millions, mais on se garde d'ajouter que ces rentrées ont pour contre-partie l'augmentation future des retraites que l'on ne porte pas en dépenses. Ce sont là des artifices condamnables qui rappellent le « après nous le déluge » de tous les Gouvernements irresponsables ou dont la responsabilité n'est qu'une fiction ; ils ménagent des surprises désagréables aux ministres de l'avenir. Mais d'autres mesures |