418 REVUE DES DEUX MONDES. Le P.Christophore regarda craintivement la porte et continua à mi-voix : - Ivane Ivânytch t'aidera. Il ne t'abandonnera pas. 11 n'a pas d'enfants, il t'aidera : ne t'inquiète pas. Il prit une mine sérieuse et encore plus bas : - Seulement, vois-tu, Guéorgui, Dieu te garde d'oublier ta mère et Ivane Ivânytch ! Un commandement ordonne d'honorer sa mère ; et Ivane Ivânytch est ton bienfaiteur ; il remplace ton père. Si tu deviens un savant et que, Dieu t'en garde ! tu sois tenté de mépriser les gens, sous prétexte qu'ils sont plus sots que toi, alors, malheur, malheur à toi 1 Le P.Christophore leva la main en l'air, et répéta d'une voix grêle : — Malheur ! malheur I Le P.Christophore pérorait : comme on dit, il était parti. Il n'en eût pas fini jusqu'au diner, mais la porte s'ouvrit et Ivane Ivânytch entra. L'oncle dit un rapide bonjour, s'assit à table, et se mit à dépêcher son thé. - J'en ai fini avec toutes mes affaires, dit-il. J'aurais pu partir aujourd'hui pour la maison ; mais il y a encore à s'occuper d'légôrouchka ; il faut le caser. Ma soeur m'a dit qu'ici quelque part habite son amie Nastàsia Pétrôvna, qui, peutêtre, le prendra chez elle. Il chercha dans son portefeuille, en retira une lettre froissée, et lut : « Petite rue basse, Anastâsia Pétrôvna Taskounov, propriétaire. » Il va falloir la chercher tout de suite. Cela ne sera pas commode. Après le thé, Ivane Ivânytch et Iégôrouchka sortirent de l'hôtel. Dans la cour, il n'y avait plus ni chariots, ni rouliers ; tous s'étaient rendus au port. Dans un coin se dessinait sombrement la briska ; près d'elle les chevaux bais mangeaient l'avoine. - Adieu, briska ! pensa Iégôrouchka. Il fallut d'abord monter longtemps par un boulevard, puis traverser un grand champ de foire. Là, Ivane Ivânytch s'informa. Longtemps, tous deux mari. hèrent dans des rues pavées, puis dans des rues où il n'y avait que des trottoirs et pas de chaussée ; enfin ils trouvèrent des rues où il n'y avait ni trottoirs, ni chaussées. Quand leurs pieds et leur langue les eurent conduits jusqu'à la Petite rue basse, ils étaient rouges tous |