4 I 1 REVUE DÉS DEUX MONDES. pareille aubaine à chacunl.. Nous en avons bien tiré parti... Maintenant qu'il avait retrouvé les siens, légôrouchka éprouvait un insurmontable besoin de geindre. Il n'était pas assis depuis cinq minutes qu'il alla vers le canapé, se coucha et se mit à sangloter. - Eh ! qu'est-ce que c'est ? s'exclama le P.Christophore, en le levant et allant au canapé. Guéôrgui, qu'as-tu ? Pourquoi pleures-tu ? - Je... je suis malade ! dit Iégôrouchka. - Malade ? fit le P.Christophore, troublé. Ah ! ça, ce n'est pas bien, frère !... Est-ce qu'on est malade en voyage ? Il mit la main sur la tète d'légôrouchka, toucha sa joue et dit - Oui, tu as la tète chaude... Tu te seras refroidi... Déshabille-toi et couche-toi : le sommeil te fera du bien. Il aida Iégôrouchka à se déshabiller, lui donna un oreiller, lui mit une couverture, et sur la couverture étendit le pardessus d'Ivane Ivânytch ; puis il s'éloigna sur la pointe des pieds et s'assit près de la table. Iégôrouchka ferma les yeux : aussitôt il lui sembla qu'il était non pas dans une chambre d'hôtel, mais sur la grand route, près du brasier. Eméliane faisait son geste désespéré et Dymov, les yeux rouges, couché sur le ventre, le regardait moqueusement. - Battez-le ! battez-le 1 cria Iégôrouchka. - Il a le délire... dit le P.Christophore à mi-voix. Quel tracas ! soupira Ivane Ivânytch. - Il faudra le frotter d'huile et de vinaigre. Dieu aidant, il sera guéri demain. Pour se débarrasser de ses obsédantes visions, Iégôrouchka ouvrit les yeux et regarda le feu. Le P.Christophore et lvane Ivânytch avaient déjà bu leur thé et parlaient bas. Le premier souriait béatement et ne pouvait sans doute pas oublier qu'il avait fait une bonne affaire sur la laine. Ce n'était pas tant le gain lui-même qui le réjouissait, mais l'idée, que, rentré à la maison, il réunirait sa nombreuse famille, sourirait malicieusement, et puis partirait d'un grand éclat de rire. Il commencerait par les tromper, en leur disant qu'il avait vendu la laine à perte ; puis il donnerait à son gendre un gros portefeuille et lui dirait : « Tiens ! Voilà comment il faut traiter les affaires ! » Irouzrnitchov, lui, ne paraissait, pas content. Sa |