420 REVUE DES DEUX MONDES. ; le croire manqué. On avait bien voulu un changement de ministère en France, mais non un changement de Gouvernement. On voulait avoir la France pour alliée et même pour principal « remorqueur », si j'ose m'exprimer ainsi, sur la mer où on brûlait de s'aventurer, mais une vraie France, une France armée et puissante, non une France tombée dans le néant et réduite à l'inaction par l'anarchie. On voulait l'armée française pour la mettre en ligne dans les plaines de la Lombardie contre les Autrichiens, mais l'armée vaincue et privée de ses fusils et de ses canons par la populace, ce n'était plus du tout l'affaire. Pour un moment, il y eut un temps d'arrêt, et on regarda venir. Ce ralentissement soudain dans l'élan révolutionnaire fut assez sensible pour rendre au pauvre Pape qui commençait à s'effrayer, mais qui avait peine à renoncer aux charmes de la popularité, un instant d'illusion. La chute de la monarchie en France, au lieu de l'inquiéter sur son propre sort, le porta plutôt à croire que son système de concession était le vrai moyen de sauver son pouvoir. Louis-Philippe avait essayé de résister et il périssait. M. Guizot lui avait fait parvenir souvent des conseils et des avertissements par l'organe de M. Rossi. M. Guizot était emporté dans une tourmente. Qu'il avait été bien avisé de ne pas suivre ses avis ! « Voilà ce que c'est, dit-il à plusieurs reprises, que de vouloir gouverner par la force et non par l'amour. » Cette parole me fut rapportée, et je la trouvai si ridicule et si blessante que je résolus de partir sans prendre congé d'un souverain qui compatissait si peu à nos peines. Effectivement, je ne demandai pas d'audience de congé, et pendant les trente années du règne de Pie IX qui suivirent, n'ayant pas remis le pied à Rome, je ne l'ai jamais revu. Du reste on ne lui laissa pas longtemps le temps de respirer. On sait avec quelle rapidité l'étincelle électrique se communiqua de Paris, dans toutes les capitales d'Europe. Aucune ville d'Allemagne n'y échappa. Berlin et Vienne ne furent pas épargnés : et le grand ennemi de l'Italie, le prince de Metternich, fut contraint de se cacher et de fuir. A cette nouvelle, une explosion violente éclata d'un bout de la Péninsule à l'autre, et il ne fut plus question.que de profiter de l'ébranlement de la monarchie autrichienne pour chasser l'étranger, |