410 REVUE DES DEUX MONDES. Il n'en était pas malheureusement de même en Sicile, où l'administration française n'ayant jamais passé, tous les abus des sociétés féodales vieillies avaient subsisté ; un sourd mécontentement y régnait donc depuis longtemps. De plus, l'Angleterre qui avait régné à peu près sans partage sous le vieux roi Ferdinand, pendant que Naples subissait le joug napoléonien, y avait conservé une grande influence. Dans la disposition où Lord Palmerston avait mis tous les agents britanniques, le consul anglais à Palerme ne se fit pas faute de souffler sur l'agitation, dès qu'il vit que les esprits, excités par ce qui se passait dans le nord de la Péninsule, commençaient à entrer en fermentation. Un mouvement insurrectionnel éclata vers le milieu de janvier. Au dire de ceux qui assistaient, —et je sus les détails par un de mes collègues diplomates, M. de Rayneval, qui était en Sicile pour la santé de sa femme, et qui revint à Rome peu de jours après, cette révolte était peu de chose, et le moindre effort do l'autorité militaire l'aurait étouffée. Mais je ne sais quel vent de faiblesse et de découragement commençait à souffler sur tous les pouvoirs publics d'un bout de l'Europe à l'autre. Devant cette apparence de mouvement d'opinion, le roi de Naples s'effraya, et se hâta de faire de très raisonnables contessions administratives qu'il aurait eu raison d'accorder depuis bien longtemps, mais qui, arrachées par une peur visible et sans fondement, prirent un tout autre caractère ! Naturellement à Palerme on ne s'en contenta pas, et à Naples, où on ne songeait pas à remuer, quand on vit qu'il suffisait d'élever un peu la voix pour obtenir, les très rares libéraux, qui, la veille n'avaient garde de se montrer pour tels, commencèrent aussi des manifestations. Cette fois, je ne sais si ce fut la peur qui agit seule sur l'esprit du Roi, je crois qu'il s'y mêla un autre sentiment. Il avait, au fond, beaucoup d'humeur contre le Pape et les souverains italiens, notamment son cousin ou beau-frère le roi de Sardaigne, qui avaient excité par leur exemple le mouvement d'opinion auquel il se croyait obligé de céder. Il eut, je crois, envie de leur jouer un tour et de leur rendre la monnaie de leur pièce, en se faisant, d'un seul coup, plus libéral et plus populaire qu'eux. Bref, il se décida à promulguer une constitution dans les règles, avec chambres législatives, élections, liberté individuelle et liberté de la presse, le tout sur le modèle de la Charte de 1830. |