408 IIEVtJE DES DEUX MONDES. Ce fut un cri d'horreur autour de nous, et partout où cet événement affreux fut connu. Mais il semblait qu'il y eût pour nous quelque chose de particulièrement sinistre et solennel à voir tomber ainsi un homme qui venait de jouer un rôle principal dans un événement dont toutes les conséquences ne pouvaient pas encore être mesurées. Ne pouvait-on pas dire qu'il avait eu un accès de repentir d'avoir engagé son pays dans une voie où de grands périls pouvaient lui être réservés ? De plus, ce sanglant dénouement arrivait bientôt après d'autres qui avaient le même caractère. L'assassinat de Mme de Praslin était encore présent à tous les esprits. Presque au même moment, on apprenait que M. Mortier, naguère ambassadeur à Turin, avait, dans un accès de véritable folie, voulu égorger ses propres enfants I Qu'était-ce donc que cette société française, où le crime et la démence semblaient habiter toutes les régions supérieures, où d'anciens ministres étaient convaincus de corruption, tandis que des chambellans et des ambassadeurs se tuaient ou périssaient de mort violente ? Il semblait que l'on vécût autour de la royauté de 1830 dans la boue et dans le sang. Rien n'était plus faux, jamais société royale et politique ne fut plus honnête. La famille royale était sans reproche, et ni le gouvernement, ni la Cour, n'avait aucun des désordres du temps de l'ancienne Rome ou même de Charles II d'Angleterre, ou de Louis XV. Mais tout se réunissait pour nous calomnier et jamais malchance ne fut pareille. Je pus constater ce déplorable effet à l'étranger, j'ai su depuis lors qu'il n'avait pas été moindre en France. Seulement là, au lieu d'en accuser le pays en général, on s'en prenait au Gouvernement, et au besoin au ministère conservateur. C'était absurde, mais ne faut-il pas toujours s'en prendre à quelqu'un de ce qui nous gêne, nous humilie ou nous fait souffrir ? ** Ce fut sous ces tristes auspices et sous un ciel chargé de tant de nuages que se leva le soleil du 1er janvier de cette année 1818, destinée à voir tant de terribles et lugubres événements. Ce premier de l'an fut même signalé à Rome par une des plus odieuses scènes que j'aie vues de ma vie, et que des fenêtres de notre appartement du Corso, que nous habitions cette année-là, je pus contempler avec un mélange que je n'oublierai jamais |