404 REVUE DES DEUX MONDES. prenait bien à son aise, attendu que ceux qui lui faisaient fête ne lui demanderaient certainement pas de faire passer les Alpes aux flottes britanniques pour venir chasser les Autrichieus de Lombardie. Quant au Pape lui-même, flatté d'une visite qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait reçue, il accueillait bien Lord Minto qui, ayant à traiter avec lui des intérêts des catholiques de Malte, du Canada et d'Irlande, commençait en général les audiences par des compliments dont l'habitude n'avait pas encore fait perdre le goùt. Une fois, cependant, le pauvre Pape commença à trouver qu'on en prenait trop à son aise avec lui. Ce fut un jour où le Maestro di camera, tout effaré, entra chez lui pour dire : cc Ecco il signor ambasciatore d'Inghilterra chi viene da sua Santita con un pantalon quadrillé ». Effectivement, Lord Minto, ignorant que l'étiquette obligeait à n'entrer chez le Pape qu'en tenue de cérémonie, était venu frapper à la porte, comme chez la reine d'Angleterre, en costume ordinaire de ville avec un pantalon à carreaux d'étoffe écossaise. Ce pantalon semblait au bon chambellan le symbole de la Révolution triomphante. C'était la répétition des souliers sans boucles de Roland au conseil de Louis XVI ! N'est-il pas surprenant que dans toutes les révolutions, les détails même se ressemblent ? Pour que rien ne manquât à l'excitation générale à laquelle les esprits étaient livrés d'un bout à l'autre de l'Italie, on apprit, à ce moment même, le triomphe complet du parti radical en Suisse. C'était un événement auquel il fallait s'attendre, et qui se préparait depuis longtemps. Les dissentiments religieux, mêlés aux divisions politiques, avaient poussé dans ce petit pays les passions populaires à un haut degré d'exaspération. La Diète fédérale, composée des représentants de tous les cantons, mais où les radicaux unis uux protestants disposaient de la majorité, avait usé de son pouvoir, pour interdire dans la Confédération tout entière l'existence de la Société de Jésus. Les cantons ultras, Fribourg, Lucerne, Argovie, Soleure, etc., virent dans cette interdiction une atteinte à leur indépendance : ils formèrent une association pour leur défense qui fut connue sous le nom de Sonderbund, et la Diète ayant voulu dissoudre cette association, ils firent appel aux armes, et la guerre civile s'en était suivie. Les moyens de résistance de l'Association catholique étaient très faibles, et son attitude, une fois la lutte |