402 REVUE DES DEUX MONDES. et n'ayant pas l'air de s'apercevoir qu'on le laissait seul. Cette impassibilité décourageait la malveillance. *** La situation ne tarda pas à lui être rendue plus pénible encore par une comparaison, qu'on ne tarda pas à exploiter contre lui. L'année ne s'acheva pas, en effet, sans nous donner un spectacle presque aussi étrange et aussi inattendu pour des habitants de Rome que celui du mouvement militaire que nous avions sous les yeux. Ce fut l'arrivée d'un envoyé anglais venant traiter presque officiellement avec le Pape. Pareille chose ne s'était pas vue depuis des siècles, et malgré les grands intérêts que l'Angleterre, comptant de nombreux sujets catholiques, pouvait avoir à débattre avec la Cour de Rome, elle ne les traitait jamais que par un des secrétaires de sa Légation à Florence, très chétif personnage, qui, alors même qu'il faisait à Rome son séjour habituel, était toujours censé y être en passage et en congé. Cette fois, nous fùmes appelés à voir un grand seigneur anglais, Lord Minto, longtemps ambassadeur dans des postes très importants, beau-père du premier ministre, qui frappait à la porte du Quirinal pour demander une audience du Pape. Il ne venait pas, en vérité, en qualité de ministre plénipotentiaire accrédité, et Rome n'était pas l'unique but de son voyage. Il était chargé d'une façon générale de s'enquérir de l'état de l'Italie, d'étudier le caractère de l'agitation à laquelle la Péninsule était livrée, et de faire entendre à tous, libéraux et rétrogrades, Autrichiens et Italiens, et partout, aussi bien à Milan qu'à Turin et à Rome, des conseils de modération. C'était là, du moins, le langage que Lord Palmerston avait tenu à mon père, en lui annonçant cette mission qui fit tout de suite beaucoup de bruit. La modération des conseils donnés par Lord Palmerston lui parut assez suspecte, et leur effet plus douteux encore. Il ne se trompait pas. Lord Minto n'avait pas en effet plus tôt mis le pied sur le sol italien, et peut-être pas même ouvert la bouche, que, vu l'hostilité connue du Cabinet français et du Cabinet britannique, tout le monde se mit à croire ou du moins à dire qu'il arrivait pour prêter au mouvement du libéralisme et du patriotisme italiens l'appui que lui refusait M. Guizot. Il fut tout |