392 REVUE DES DEUX MONDES. de haine. Ceux qui les combattent ouvertement essaient de discréditer la valeur de notre corps d'officiers. Ils l'accusent d'impéritie dans le passé, d'impérialisme aveugle et outrancier dans le présent. D'autres l'attaquent moins [franchement, d'une façon plus sournoise et d'autant plus redoutable. D'après eux, son importance diminue. « Il n'est pas besoin, disent-ils, pour former un bon soldat, voire un bon gradé, de le maintenir dix-huit mois dans une caserne. Quelques semaines suffisent pour dresser un homme du rang ; un nouveau stage de même durée permettra de le transformer en un caporal ou en un sergent connaissant son métier. Alors, renvoyez-le le plus tôt possible dans ses foyers. Là il pourra faire oeuvre utile ; là il pourra produire pour la collectivité » Langage de démagogues, destiné à flatter les foules, et dont ceux qui le tiennent ne sont pas dupes. Ils savent en effet que nos effectifs du temps de paix sont à peine suffisants pour nous permettre d'entretenir en tout temps, en bon état de fonctionnement, le nombre minimum de grandes unités destinées à encadrer la nation entière appelée sous les armes, et l'énorme matériel de mobilisation accumulé dans les dépôts et dans les arsenaux. Nos cadres attendent depuis des mois le vote des lois militaires, qui doivent assurer définitivement leur statut. Les projets établis par le précédent ministère ont été escamotés devant la Chambre où ils n'ont pas été discutés sérieusement, puis retirés du Sénat pour être remaniés. Que seront les nouveaux projets concernant l'organisation générale de l'armée issus du Gouvernement actuel ? Sépareront-ils l'unité d'instruction de l'armée de couverture et des centres mobilisateurs ? Imposeront-ils à nos cadres de nouvelles charges ? L'armée, qui depuis longtemps est habituée à être constamment déçue, se demande avec inquiétude ce qu'elle deviendra avec cette organisation nouvelle. Le service de dix-huit mois lui a imposé, chaque année, l'obligation d'instruire deux classes ; il a exigé de tous les cadres un travail considérable. Que leur apporterait la loi d'un an ou celle de dix mois ? Un supplément de travail ne les effraie pas ; ce qu'ils redoutent, c'est une diminution de la force de l'armée. Nos cadres sont inquiets, parce que, dans toutes les négociations, dans toutes les discussions qui vont avoir lieu pour la |