38g REVUE DES DEUX. MONDÉS. Le 11 novembre 1924, lors de la cérémonie en l'honneur du soldat inconnu à l'Arc de triomphe, nos grands chefs, dont le général Débeney, chef d'état-major de l'armée, ancien commandant de la première armée, étaient placés assez loin, derrière les personnages officiels civils. Qui pourtant a gagné la guerre ? De telles questions sont loin d'être sans conséquence. Elles constituent la manifestation concrète des sentiments de la nation vis-à-vis de son corps d'officiers. En Allemagne, avant la guerre, où tout était sacrifié à l'armée, les officiers avaient le pas sur les fonctionnaires civils de situation même supérieure à la leur. L'armée française n'en demande pas tant. On souhaiterait du moins pour elle que les anomalies les plus choquantes du décret du 16 juin 1907 fussent supprimées et que celui-ci fùt revisé dans un esprit de large et sage compréhension des situations respectives. Le maintien des prescriptions de ce décret après notre victoire sur l'Allemagne, gagnée par nos cadres et nos soldats, est inexplicable. Il révolte la jeunesse et beaucoup, parmi ceux qui se seraient laissé séduire par la beauté du métier militaire, sont choqués de ce qu'ils considèrent justement comme une atteinte à sa dignité. LA COHÉSION COMPROMISE L'armée, à tous ses degrés est une grande famille. L'officier d'avant-guerre, même rentré chez lui, ne cessait de s'occuper de son peloton ou de sa compagnie. Bien souvent, ses hommes venaient le voir pour se confier à lui, lui demander conseil, solliciter une aide, une recommandation. Dans les relations en dehors du service, les liens entre l'officier et sa troupe se resserraient, les rapports devenaient plus confiants, plus amicaux. On n'obéissait plus seulement au chef, on obéissait à l'homme dont on avait apprécié le caractère. Une tradition si cordiale et si efficace ne doit pas risquer de se perdre. Certains officiers issus de la guerre, non point par ignorance de leurs devoirs, mais par timidité, manifestent parfois une tendance à s'isoler. Qu'ils viennent franchement à leurs camarades, qui les accueilleront toujours avec le respect qu'on doit à ceux qui se sont élevés par leurs propres moyens, à ceux qui, sur les champs de bataille, ont fait preuve de bravoure et de volonté. A leur contact, ils acquerront les quelques notions |