374 REVUE DES DEUX MONDES. Le trône du Pape était placé près de l'autel, du côté de l'Évangile. On avait arrangé les choses pour qu'il arrivât avant l'Empereur et qu'il l'attendit, entouré des cardinaux, des évêques, du personnel pontifical et du clergé qui emplissaient le choeur. Autour de ces deux majestés, s'étaient rangés, figurant l'Europe et les Puissances étrangères, le corps diplomatique et quelques princes allemands de médiocre acabit, en plus un ambassadeur turc en turban et un évêque oriental barbu et mitré. Les princes de l'Empire, les maréchaux, les hauts personnages avaient chacun un rôle : Kellermannportait la couronne de Charlemagne, le maréchal Pérignon le sceptre de Charlemagne, le maréchal Lefèvre l'épée de Charlemagne, le maréchal Bernadotte le collier de l'Empereur, etc. Le grand chambellan, M. de Talleyrand, portait la corbeille destinée à recevoir le manteau de l'Empereur. Leurs Altesses Impériales, les princes Joseph et Louis, et Leurs Altesses Sérénissimes l'archichancelier (Cambacérès) et l'architrésorier (Lebrun) soutenaient le manteau de l'Empereur. Puis s'échelonnaient, dans le choeur, la nef et les bas côtés, sur les gradins, la Cour, les Ministres, le Sénat, le Tribunat, le Corps législatif, le Conseil d'État, les Cours de justice, les généraux, les préfets, les maires, tous les représentants de cette France nouvelle, surtout bourgeoise, heureuse de se rencontrer en habits resplendissants et la joie sur le visage, après une crise si affreuse et une Révolution, tout compte fait, « réussie ». Au point de vue politique, certains détails d'une importance exceptionnelle, qui échappent, ou peu s'en faut, aux assistants, et qui sont à peine mentionnés dans les comptes rendus, donneront le sens profond des choses qui reste, malgré tout, révolutionnaire ; car il s'agit d'un empire « parvenu ». Napoléon entend que Joséphine soit sacrée et couronnée. Niais Joséphine n'a pas été mariée à l'Église. Elle s'arrange pour que le Pape n'en ignore pas. Le Pape exige le mariage. Napoléon est contraint de s'exécuter. Fesch, muni des dispenses nécessaires, procède au mariage religieux en secret. Il s'ensuit que Napoléon n'est plus absolument libre pour ses combinaisons relatives à l'hérédité. Ces anciennes attaches sont un peu embarrassantes. On y songera. Autre difficulté : le cérémonial. Il ne peut être question de celui de Reims : il n'y a pas de Sainte Ampoule. Le Pape |