368 REVUE DES DEUX MONDES. direct est possible. La Révolution institua le plébiscite sur le vastd `territoire qu'est la France ; et le bonapartisme y recourut à son tour ; il le fit sien. Cette forme de délégation est, en effet, la plus favorable de toutes au pouvoir absolu ; la masse s'abandonne aux mains du mandataire et le soutient de tout son poids. La confiance étant accordée une fois pour toutes, l'exercice du pouvoir reste sans contrôle. Au début du xixe siècle, quand le pays entier n'aspirait qu'à se tirer, n'importe comment, de la Révolution, le plébiscite parut une issue. L'opinion était encore ignorante de son pouvoir ; et puis elle n'y voyait pas très clair. Plus tard, et surtout à la fin du second Empire, ce procédé constitutionnel, spécialement bonapartiste, souleva de sérieuses critiques : 1° Qui a qualité pour rédiger la question posée au peuple ? 2° Pour combien de temps le peuple, votant par voie de plébiscite, délègue-t-il son autorité souveraine ? 3° Une génération peut-elle s'engager pour les générations futures ? etc. Ces questions, qui restèrent sans réponse, découvrent le sophisme du système plébiscitaire. En 1803, le pays ne discuta pas tant. On lui demandait de voter, il vota. On lui fit dire ce qu'il était, d'ailleurs, enclin à dire, qu'il voulait, n'importe de quelle façon, arriver à l'ordre et à la stabilité. L'hérédité lui parut une garantie. La décision soumise au peuple par le Sénat (sénatus-consulte du 28 floréal an XII) était justement rédigée de manière à faire porter le vote uniquement sur la question de succession. « Le peuple veut l'hérédité de la dignité impériale dans la descendance directe, naturelle, légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte et dans la descendance directe, naturelle et légitime de Joseph Bonaparte et de Louis Bonaparte, ainsi qu'il est réglé par le sénatus-consulte organique... » Cette formule impliquait que le sénatus-consulte était la base unique de la fondation impériale. Par un artifice de rédaction, le peuple n'avait à se prononcer que sur la question de succession. Le vote eut lieu en juin 1804. Il ne semble pas que le pays ait mis un grand empressement à se porter aux urnes, pas plus que le nouveau souverain un grand empressement à faire proclamer le résultat du scrutin. Portalis remit son rapport seulement le 18 octobre. On releva, en faveur de l'hérédité, 2 959 458 votes, contre 2 567. Bonaparte trouva qu'il était convenable que le chiffre des votes favorables dépassât trois mil- |