352 REVUE DES DEUX MONDES. fortune comme démagogue. A ses yeux, ce militaire, Napoléon, était une manière d' « usurpateur » (le mot a été employé par Joseph). Louis, malade imaginaire, trompé imaginaire, honnête homme et le plus malheureux des hommes parce qu'il ne savait pas ce qu'il voulait et qu'il le voulait obstinément. Jérôme, nourri trop tôt dans la grandeur, enfant gâté, ignorant, vaniteux, destiné à devenir « l'américain » qui so rencontre toujours dans ces familles d'aventure. Et.puis les soeurs,.Élisa, sèche et pédante ; Caroline, violente, rapace, ambitieuse pour elle et pour « son chevalier » Murat ; Pauline, belle comme le jour et dont la magnifique carnation et les yeux corses splendides illumineront de beauté vicieuse ce nid de rapaces où avait grandi l'aigle. Tous, tous sont tombés sur la France, ongles et becs tendus, et ils dévorent et ils décharnent. Frédéric Masson donne le tableau suivant qui s'applique à l'année 1802 : « D'immenses fortunes territoriales et mobilières acquises par Joseph, par Lucien et Murat, promises à Leclerc ; Louis établi dans la pensée de Napoléon comme son héritier possible ; Jérôme destiné à commander la marine, pourvu qu'il s'y prête ; et, pour eux, toutes les commissions, toutes les fonctions, toutes les dignités... » « A ses frères il accorde, sans expérience préalable, une part des qualités qu'il possède. Il les assimile en son esprit à lui-même, parce qu'ils sont de sa race. » On pense si, d'accord avec lui, ils hésitent à « s'assimiler » I Puisqu'ils sont de la race, ils sont, comme lui, capables du trône ; « princes du sang » dès le Consulat. Et quand la question de stabilité et de succession se pose, ils crient du haut de la tête et du haut du gosier que cet héritage de France, c'est leur chose. Ils sont « consacrés », eux aussi, qui en doute ? et « sauveurs », s'il le faut. Joseph, engoncé dans son droit d'aînesse à la corse, à la fois bonhomme et distant, s'entoure d'un « conseil dynastique », qui délibère sur les « droits » de la famille et qui a pour mission de veiller, « d'après les règles strictes de la Constitution et des convenances », au salut de l'Empire. Ces étranges oiseaux s'irritent d'un autre nid rival du leur, les Beauharnais ; ceux-ci n'existant d'ailleurs que par la mère |