330 REVUE DES DEUX MONDES. aventures que lui traçait le bref pontifical. Mais le gouvernement de Louis-Philippe lui tenait un tout autre langage. Vous n'êtes chargé, lui disait-on aux Tuileries, que des « chrétiens romains » et le pouvoir civil ne vous reconnaît aucune autre juridiction. On consentait que l'occupation définitive du pays s'attestàt, de çà de là, par l'érection de quelques croix : le maréchal Vallée en plantait une sur le minaret de l'ancienne mosquée de Blidah ('i). 1llais Mgr Dupuch gémissait sur le misérable état de certaines églises, sur la désinvolture avec laquelle, à Bouffarik, le commissaire civil s'installait dans la chapelle catholique, reléguait l'autel et les liturgies dans une misérable hutte en planches pourries, ni carrelée, ni pavée, ni planchéiée. Et ce qui le faisait gémir plus amèrement encore, c'était la barrière systématique dressée par les autorités algériennes entre ces lieux de culte, décents ou sordides, et l'immense population musulmane. A la porte de l'église de Notre-Dame des Victoires, à Alger, une sentinelle empêchait les Arabes d'entrer. Mgr Dupuch avait fait venir des Jésuites comme prêtres auxiliaires ; mais l'un d'eux, qui venait de Syrie, recevait, sous peine d'arrestation, défense de débarquer à Philippeville, parce qu'il savait et parlait l'arabe (2). « Évêque sans clergé au milieu d'un peuple infidèle ou incrédule, ayant contre lui une bureaucratie intraitable, Mgr Dupuch, ainsi que l'écrivait Louis Veuillot, ne fut d'abord que le plus tracassé des administrés (3). » Pour l'armée mème d'Afrique, la monarchie de Juillet ne reconnaissait pas un seul aumônier, et Mgr Dupuch dut déclarer, en 18i 1, que si les chefs d'armée, en dehors du Gouvernement proprement dit, ne toléraient pas de temps en temps la présence d'un prêtre auprès des colonnes expéditionnaires, il partirait lui-même pour la guerre (4). Mgr Dupuch, découragé par ces ingrates circonstances et par le fardeau de ses dettes, finissait en 1816 par démissionner (5), et dans la lettre de démission qu'il adressait au Pape, la tristesse débordait. Il disait très nettement : (1) Dupuch, op. cit., IV, p.403. (2) Burnichon, la Compagnie de Jésus en France : Un siècle, 1g14-1914, III, p.321. (3) Louis Veuillot, les Français en Algérie (nouv. édit., Paris, Lethielleux,1925). (4) Dupuch, op. cit, IV, p.488-489. Des difficultés d'autre part étaient faites aux Soeurs qui voulaient installer le crucifix dans l'hôpital d'Alger (lb., p.453). (5) Ib., p.439 et suiv. |