70 REVUE DES DEUX MONDES. tenter encore une fois la fortune en Corse, il y retourne (17 septembre). Maintenant les Bonaparte sont devenus franchement « français », révolutionnaires, terroristes. Marat, renseigné sans doute par Salicetti, dénonce Paoli à la tribune de la Convention. La lutte s'engage entre les deux partis. Après une tentative à main armée sur la citadelle d'Ajaccio, lutte dans laquelle le futur vainqueur d'Austerlitz a le dessous, les Bonaparte sont chassés de l'île et ils arrivent sur le continent dans le dénuement le plus complet. A Marseille, à Antibes, à Saint- Maximin, à Nice, à Toulon, ils vivent d'expédients. Napoléon regagne sa place dans son régiment (4ême d'artillerie) à Nice. Il pensa dès lors, selon la parole inscrite au Mémorial, que « le titre de Français devait lui tenir lieu de tout ». II. - BONA PA RTE ET LA RÉVOLUTION Une affaire de convoi l'amène à Toulon où le lot des Corses exilés s'est jeté dans les rangs de l'armée révolutionnaire : à leur tête, toujours ce Salicetti, commissaire de la. Convention aux armées ; de dix ans plus âgé que Bonaparte, ami de Lauzun, il a conservé des attaches avec le parti Choiseul ; il groupe autour de lui, les Cervoni, les Arena, etc. L'armée est commandée par un vieil officier expérimenté, Dugommier ; les commissaires aux armées sont, avec Salicetti, Barras, Fréron, Ricord. Le commandant de l'artillerie, Dommartin, vient d'être blessé. Salicetti présente son jeune ami pour le remplacer. D'ailleurs, Bonaparte a des liaisons, à Paris, au ministère ; il a promis monts et merveilles aux hommes du jour. A Nice, il s'est lié avec Robespierre jeune, commissaire à l'armée d'Italie. Il met tout en oeuvre pour faire prévaloir ses plans d'attaque. Son génie militaire éclate du premier coup. 11 écrit à Paris, dans ce style cornélien qui est déjà le sien : « Trois jours après mon arrivée, l'armée eut une artillerie et les batteries de la Montagne et des Sans-culottes furent établies, coulèrent bas les pontons et résistèrent à plus de vingt mille boulets » (1). Et, le 21 décembre, il peut écrire au citoyen Dupin, adjoint au ministre de la Guerre : « Je t'avais annoncé de brillants succès ; tu vois que je tiens parole... » (1) Correspondance, J, p. 94 |