238 REVUE DES DEUX MONDES. redressement financier de la France; il pourra réunir les votes parlementaires pour des mesures de salut, il ne ralliera pas la confiance du pays. On ne fait pas de l'apaisement avec un gouvernement de parti. On n'est pas qualifié pour faire appel à l'abnégation de tous, quand on a volontairement heurté, blessé la moitié des citoyens, et précisément celle qui a la plus forte part dans l'activité économique du pays. Il n'existe pas de raison matérielle péremptoire pour que le franc soit en danger : la France travaille ; elle n'a pas de chômeurs ; le budget de 199.4 a été équilibré par de magnifiques plus-values, qui ont dépassé, pour le dernier mois, un demimilliard ; la balance du commerce est satisfaisante ; les exportations (favorisées, il est vrai, par la dépréciation de la monnaie) dépassent les importations ; de grosses échéances se sont déjà présentées en 19.29. et 9.3, et le ministre des Finances y a fait face aisément, parce que les souscripteurs remboursés s'empressaient de remployer leurs fonds en bons du trésor : il n'y a aujourd'hui qu'une crise de confiance; toutes les difficultés viennent de là. Comment M. Herriot serait-il entendu dans son appel à la confiance, quand il ne doit son existence ministérielle qu'à la formule du cartel qui fait de lui le prisonnier des socialistes? Les discussions du congrès socialiste de Grenoble parlent plus haut que les discours assagis du Président du Conseil ; nous savons pourquoi et à quelles conditions les socialistes pratiquent « la politique de soutien ». La presse gouvernementale ne fait écho qu'à contre-coeur aux appels pacifiques de M. Herriot. Le lendemain de son discours, le Quotidien menaçait des pires représailles ceux qui ne se rendraient pas à ses bonnes raisons. Quand, depuis neuf mois, on n'a pas cessé d'attiser les haines civiques et d'exciter les appétits de parti, on ne calme pas les esprits par un air de flûte; il faudrait autre chose que des mots pour apaiser l'opinion et rassurer les intérêts. Pour obtenir l'union sacrée autour de lui, il faudrait que M. Herriot prouvât qu'il s'est émancipé de ses alliés compromettants et qu'il a renoncé à la politique dont les conséquences viennent de se manifester par les assassinats de Marseille. Quand on a besoin de tout le pays on ne fait pas une politique de provocation et de division. M. Herriot a invoqué Necker et M. Clémentel Calonne; c'est plutôt l'axiome classique du baron Louis qu'ils devraient méditer. Si M. IIerriot ne peut pas rompre avec la politique du cartel, il lui faut faire place à un ministère d'union et de salut national. C'est inévitable; espérons que ce ne sera pas trop tard. |