232 REVUE DES DEUX MONDES. l'Allemagne à payer si elle cherche à se dérober. Enfin, si la France s'engageait à verser à l'Angleterre (et naturellement aussi aux États- Unis) une annuité proportionnelle à ses ressources et à ses capacités, elle admettrait implicitement, au profit d'étrangers, un droit de contrôle; de là à imposer à la France un plan Dawes, il n'y a qu'un pas. Tout engagement de ce genre serait une limitation de la souveraineté et de l'indépendance française ; les Anglo-Saxons en prendraient texte pour s'immiscer dans notre politique extérieure ; c'est ainsi, comme le remarque M. Romier dans le Figaro, que « nous ne pourrions plus prêter cent sous à la Pologne. » Tel est bien l'objectif de la finance anglaise et américaine ; elle entend contrôler, par le moyen des dettes, la politique continentale et tenir chaque grande puissance, ex-alliée ou ex-ennemie sans distinction, dans le corset de fer d'un plan Dawes. Voilà le péril. Nous n'avons que trop subi déjà les fourches caudines de la finance internationale. Tout engagement, dans le sens que nous demande M. Churchill, aurait des conséquences lointaines et redoutables qu'il faut prévoir et éviter. La manoeuvre du Trésor pour les dettes se relie à la manoeuvre du Foreign Office pour la sécurité. C'est une grande entreprise d'impérialisme britannique. Une phrase de la note dit que « toutes les revendications de la France sur la Grande-Bretagne seraient abandonnées » ; c'est une allusion aux 1 864 000000 de francs déposés à la Banque d'Angleterre et qui sont la propriété de la Banque de France. L'or est bon à garder et l'Angleterre veut mettre la main sur celui-là, dût le cours du franc s'en ressentir. A force de répéter la légende calomnieuse que les Français paient moins d'impôts que les Anglais, on a fini par en persuader « l'homme de la rue », et il en conclut que la France doit payer afin d'alléger le contribuable britannique : c'est pourquoi M. Churchill introduit dans sa note l'idée d'une évaluation de la capacité de paiement de la France. Le système fiscal des deux pays est très différent et la comparaison difficile ; mais il a été établi bien souvent, -- notamment dans un article récent de M. Nogaro, député, dans le Matin, et dans une conférence très claire de M. François- Marsal au groupe de l'Union républicaine du Sénat, — que l'effort fiscal global de chaque Français est plus élevé que celui de l'Anglais. Comment en serait-il autrement puisque nous avons de plus que lui 132 milliards de réparations à effectuer ? De ce fait, nos impôts vont sans cesse en augmentant, tandis que l'Angleterre, qui n'a pas cette charge écrasante, a pu régler rapidement, par un effort éner- |