178 REVUE DES DEUX MONDES. mouvement général qui nous a poussés à reviser la plupart des idées que nous avait léguées la génération formée à l'école des Encyclopédistes. Les lecteurs de la Revue, qui ont eu la primeur des études de Brunetière sur le xVIIIe siècle, savent quelle fut à ce sujet son action, tandis que d'autre part s'exer( ait dans le même sens, mais du côté social, l'influence d'Albert de Mun et du marquis de la Tour du Pin. Avant même cette réaction, les faits s'étaient chargés de démontrer l'erreur des doctrines individualistes. La loi demeura impuissante à étouffer une tendance aussi naturelle que la tendance à l'association. A défaut des corporations ellesmêmes, l'esprit corporatif subsista. L'obstacle principal à la résurrection des organisations professionnelles vint de ce que leurs partisans ne les concevaient pas en dehors de leur forme ancienne, qui ne répondait plus aux conditions matérielles et morales de la société. La Chambre de commerce de Paris s'y opposa violemment. Il fallut attendre le développement industriel qui se produisit sous la monarchie de Juillet; en créant des conditions toutes nouvelles pour le travail, il rénova aussi les idées. Le retour vers le corporatisme évolué fut recommandé à la fois par un ancien Saint-Simonien, Philippe Buchez, et par le premier des chrétiens sociaux, le comte de Villeneuve-Bargemont, ancien conseiller d'État et préfet de la Restauration. Enfin, le baron de Gérando, conseiller d'État, membre de l'Institut et pair de France, attira l'attention de ses contemporains sur un point particulier. En présence des conditions nouvelles résultant de la grande industrie, le surmenage qui engendre le goût des plaisirs grossiers, la division du travail qui abrutit l'ouvrier, celui-ci avait perdu la protection que lui donnaient autrefois les corporations. Il serait donc bon, dit Gérando, de fonder une institution équivalente. La révolution de 1848, qui faillit tourner en révolution sociale et vit dans la Commission du Luxembourg un essai de Parlement du travail ou de Conseil économique du travail comme celui auquel on revient aujourd'hui, ne favorisa l'idée syndicale que d'une manière indirecte, par le développement des associations coopératives ouvrières. Le Gouvernement du second Empire fit au contraire un grand pas dans cette voie, en proposant et faisant voter la |