130 REVUE DES DEUX MONDES. tiéres chrétiens, que le Gouvernement français a fait publier. Il était alors inconnu, vivant dans l'indigence, mais tout entier consacré, lui et sa femme, paysanne et fille d'ouvriers comme lui, au culte de la religion et de l'art. Il était estropié de naissance, et ses traits étaient des plus communs, mais ils semblaient comme transfigurés par la pureté' et l'élévation de son regard. Pour l'aider à gagner sa vie, ma femme se fit donner par lui quelques leçons de peinture, et il acheva de l'initier à cette beauté tout idéale des types primitifs dont M. Raulin était épris. Nous vécûmes ainsi pendant quelques mois tout entiers dans le souvenir des premiers âges du christianisme et cherchant aussi, moi en particulier, à nous rendre compte sur place et par l'étude des monuments de la transformation que la foi nouvelle avait fait subir à la civilisation romaine. Des lectures faites le soir en commun dans l'Histoire ecclésiastique de Fleury, et que je commentais par des citations des Pères que j'avais lus le matin dans l'original grec ou latin, complétaient cette évocation du passé glorieux de l'Église, dont nous espérions qu'à la voix de Pie IX l'éclat allait renaître. C'est alors que je conçus l'idée de mon travail sur l'Église et l'Empire romain au ive siècle, précisément destiné à décrire cette transformation du vieux monde par l'Évangile. Les peintures de la chapelle de Broglie, oeuvre de 1\i. Savinien Petit, et presque toutes empruntées aux modèles des Catacombes, gardent la trace des mêmes sentiments. Je ne puis la regarder sans me rappeler cette époque brillante de bonheur, de jeunesse et d'espérance, et, malgré tant de pertes et de déceptions qui ont suivi, j'éprouve toujours un véritable charme à m'y reporter. Le mois d'octobre, ce magnifique mois d'octobre de Rome, avec ses teintes d'automne incomparables et ses couchers de soleil éblouissants, me réservait une dernière joie, plus vive que toutes les autres. Ce fut l'heureuse délivrance de ma femme et la naissance de mon fils aîné. Peu de jours après, j'étais encore, vu ma dignité diplomatique, appelé à faire cortège au Pape, allant prendre possession à Saint-Jean de Latran de la souveraineté romaine proprement dite, car Saint-Pierre est l'église métropolitaine du monde, tandis que Saint-Jean est la métropole de l'évêque de Rome, qui ne peut plus y entrer aujourd'hui. La pompe de cette cérémonie était empruntée aux souvenirs du |