118 REVUE DES DEUX MONDES. breux étudiants gagnent leur vie comme portefaix 1... Les plus heureux remplissent le métier de commissionnaire. Les élèves des hautes écoles, pour la plupart, ont l'aspect de mendiants déguenillés, sans domicile, sans argent, dépourvus de tout... » Ce n'est pas un bourgeois qui tient ce langage contre-révolutionnaire, mais l'un des coryphées du léninisme, un membre du bureau politique, Boukharine en personne, dans son rapport au XI II Congrès du parti communiste. Fera-t-on à Boukharine l'injure de mettre en doute ces révélations qui glacent le coeur? De plus en plus, à cette indigence physique correspond l'inéluctab,-le appauvrissement des esprits. Le vide de la pensée égalera bientôt celui des ventres creux. A force de remplacer le débardeur qui se prélasse dans des chaises curules, l'étudiant ne doit-il pas en acquérir la mentalité? Pour l'écrasante majorité de la jeunesse universitaire, la métaphysique bolchéviste se réduit aujourd'hui à un sec recueil de formules stéréotypées, pareil à la fastidieuse « théorie » enseignée aux soldats sous l'ancien régime. Intellectuels ou analphabètes, tous les néophytes du communisme traitent à la manière d'un pensum ces tristes abécédaires du matérialisme historique. Les Soviets, d'ailleurs, ne demandent plus autre chose. Dégonflée de ses ambitions, d'avatar en avatar, de retraite en retraite, leur métaphysique a trouvé son dernier refuge dans une fusion avec l'Enseignement politique obligatoire, la Politgranzota, imitation caricaturale de la vieille Slorestnost, une sorte de vade mecum matérialiste et révolutionnaire, rédigé à l'usage du moujik. L'université rouge n'exige plus de ses récipiendaires un échafaudage de preuves pour étayer leurs professions de foi darwinienne et communiste : il lui suffit d'entendre les candidats définir la religion comme un « opium pour le peuple », l'Église comme un « outil d'exploitation du prolétariat », et l'idéalisme comme une « escroquerie des classes possédantes ». La vulgarisation outrancière, la simplification sans pitié, toutes les manies de Lénline se trouvent ici portées à leur apogée. Les élèves ont dépassé le maître ; ils se contentent de satisfactions verbales et se bornent à dresser des perroquets marxistes. Mais la plupart du temps, même ces piètres résultats s'annoncent comme inaccessibles. L'ouvrier et le paysan se torturent en vain la mémoire pour retenir un charabia indéchiffrable. Et, si écrasé qu'il soit sous la botte communiste, l'étu- |