108 REVUE DES DEUX MONDES. III° Internationale, comprendra indifféremment celle des muscles comme celle de la substance grise. C'est une supériorité globale, universelle, conditionnée par la nature métaphysique de la classe élue. Les Soviets témoignent donc d'une logique irréprochable lorsqu'ils composent leurs conseils académiques d'apprentis tailleurs, et qu'ils confient le contrôle de l'enseignement à des tortionnaires, tels que la célèbre lakovléva Sternberg. Ils se montrent parfaitement fidèles à leur doctrine, quand ils pourchassent les intellectuels. « Nous n'avons jamais ignoré, écrit la Prai da, combien les principes de la « science pure » sont profondément hypocrites ; nous savons que « les adeptes de la science pure préfèrent le recul au progrès... » « Nous vous aimons, déclare Kouzmine aux intellectuels dans la Krasnaïa Gazelle, comme vous nous aimez, c'est-à-dire comme le chien aime la trique... » « Dans chaque intellectuel, s'écrie enfin Zinovief, je vois l'ennemi juré du pouvoir soviétique. » I! serait possible de prolonger à l'infini les échantillons de cette phobie d'iconoclastes. Mais que valent les citations à côté du martyrologe qui se dégage des faits? « Il fait plus froid à l'université que dans la rue, écrit le professeur Sarokine dans les Dni. Le professeur Chvolson, par miracle, a déniché quelque part du pétrole... Heureux mortel! Moi, je gagne ma chaire à tàtons. Je ne vois pas mon auditoire; mon auditoire ne me voit pas davantage. Les notes sont inutiles : il faut apprendre les chiffres et les dates par coeur... De temps en temps, incapables de résister au froid, les étudiants battent discrètement de la semelle pour se réchauffer. Ce sont des martyrs... Avec plusieurs collègues, je suis désigné pour la corvée du bois, de 9 heures du matin à 3 heures de l'après-midi. Travail pénible... Nous devons transporter des troncs de 3 mètres ; ces troncs sont humides et lourds... Je vois des collègues succomber sous leur poids et mettre en lambeaux leurs dernières guenilles. Un professeur glisse et se blesse. Chez un autre, les mains saignent... Le surveillant ricane joyeusement à ce spectacle... Comme récompense, nous recevons un peu de pain : une centaine de grammes... Nous rentrons courbaturés, épuisés. Faute de lumière, impossible de travailler. Cette obscurité est plus atroce que le froid, plus atroce que la faim. L'unique salut, c'est le sommeil... On reste couché pendant des heures pour économiser l'énergie: |