(06 REVUE DES DEUX MONDES. parmi les partis révolutionnaires, que celui qui se tenait sur la réserve, le parti des généraux républicains, le seul sans doute capable de rallier dans le pays tous les mécontents actifs. A quelqu'un qui lui demandait, au cas où la machine infernale l'eût tué, si c'était Moreau qui eùt pris le pouvoir, le Premier Consul répondait : « Non; Bernadotte : il aurait présenté au peuple la robe sanglante de César. » Bonaparte ne disait pas alors toute sa pensée : l'héritier désigné, celui qu'il craignait et qu'il détestait, le rival de toute sa carrière, c'était le vainqueur d'I3ohenlinden. Fouché ne s'y trompait pas : il avait été le confident de cette étrange scène où la haine concentrée de Bonaparte avait fait explosion : « Il faut que cela finisse I Allez lui dire qu'il faut qu'il se trouve, ce matin, au Bois de Boulogne. Nous viderons cette querelle par les armes. » Moreau, prudent, réservé, un peu timide et gauche, ne bougeait pas, drapé dans sa redingote républicaine. Fouché ne se tenait pas de joie. Il tenait Bonaparte; car Pichegru était à Paris et venait de se mettre dans la main de ses hommes; d'autre part, il enserrait Moreau d'un filet bien tendu. Fauteur ou non de l'abominable guet-apens, Bonaparte en profita. En saisissant Georges et Pichegru, en compromettant Moreau, Fouché le débarrassait à la fois des royalistes d'action et des militaires d'attente. On l'acheminait, sans rival et sans compétition, jusqu'aux marches du trône. Il ne restait plus, enfin, qu'une « concurrence » : la légitimité, les Bourbons 1 (A suivre.) G. IIANoTAUx. |