808 REVUE DES DEUX MONDES. contraire, les maîtres de l'école charitable, et les défendre. Un an plus tard environ, et M. de la Barmondière étant mort, il y eut une poussée vive pour décider M. de la Salle à modifier le vêtement des Frères. Il ne s'agissait plus de les vêtir chaudement ; Paris a toujours été élégant : on en voulait surtout à cette capote aux manches ballantes. Mais le supérieur tint bon ; il représenta, à ceux qui le critiquaient, qu'une règle tombait toute, si les morceaux pouvaient être ôtés, et il garda le manteau de la campagne rémoise. Ce furent alors les pédagogues qui firent, contre l'Institut nouveau, une attaque brusquée et judiciaire. Déjà le succès de l'école charitable de la rue Princesse les avait inquiétés. Les Frères apprenaient gratuitement la lecture, l'histoire, l'écriture, le calcul, le catéchisme, et le reste, ce que les régents en titre et possession enseignaient eux-mêmes, moyennant une petite rétribution : n'était-ce point là une concurrence fâcheuse ? Ne devait-on pas craindre que des enfants qui pouvaient payer ne devinssent les élèves de ces Frères de M. de la Salle ? Si quelques solvables allaient mettre leurs fils à l'école gratuite ! Les maîtres appointés entrevirent la ruine de la corporation. Celle-ci fit un procès en règle à M. de la. Salle et aux Frères, et le gagna devant le chantre de Notre-Dame, l'écolâtre Claude Joly, qui était du métier, et se hâta de supprimer, par jugement, les écoles gratuites de Saint-Sulpice. Il fallut en appeler au Parlement. M. de la Salle, troublé et confiant, alla faire un pèlerinage à Notre-Dame des Vertus, à Aubervilliers, avec les Frères, y pria tout un jour, puis rédigea un mémoire plein de précision et de force, qui lui donna raison auprès des conseillers. Les maîtres des écoles payantes le laissèrent ensuite en paix, pendant huit ans. Hélas ! le succès de sa défense ne le déchargeait que d'un souci. Des défections se produisaient autour de lui, et parmi les maîtres les plus aimés. Ses deux compagnons de jadis, dans le voyage de Reims à Paris, quittaient le fondateur. D'autres maîtres se retiraient de la communauté qu'il avait laissée, à Reims, aux mains du frère L'Haureux. Celui-ci avait été appelé à Paris. Les bons chefs sont difficiles à remplacer. Huit, Frères de Reims se séparèrent de l'Institut, quand cet homme de bon sens ne fut plus là pour les conduire. Le pauvre M. de la Salle crut bien faire, dans cette traverse, en faisant |