800 REVUE DES DEUX MONDES. tion de la charité française, pour le bien du menu peuple., Il n'y avait pas que les catholiques parisiens, en effet, qui souhaitassent de voir s'ouvrir partout les petites écoles. L'idée du curé Bourdoise, d'autres l'avaient eue déjà, et mise en oeuvre, dans cette France où personne ne sème, sans qu'elle lève, une graine de charité. A Rouen, par exemple, le P.Barré et Mme Maillefer avaient ouvert des écoles gratuites pour les filles pauvres et, avant eux, saint Pierre Fourier, dans une autre province. A Reims même, le directeur de conscience de Jean-Baptiste, Nicolas Roland, avait commencé d'établir plusieurs oeuvres pies, une conférence hebdomadaire de prêtres, un asile pour les orphelins, et aussi les premières écoles populaires féminines et une petite congrégation où se recrutaient et se formaient les maîtresses. Ce bon théologal mourut quelques jours après que son pénitent fut devenu prêtre, et, par testament, le chargea d'obtenir des Lettres patentes, pour établir en droit la congrégation nouvelle, les Soeurs du saint Enfant Jésus. Voici s donc le chanoine de La Salle obligé de prendre en main la cause de l'enseignement gratuit, de la plaider auprès des puissants, c'est-à-dire de la bien connaître. Il la gagne, grâce à ses relations, et particulièrement grâce à l'appui de l'archevêque, Maurice Le Tellier, frère du ministre Louvois. Les Lettres patentes sont enregistrées dès le mois de février 16'79. Et le chanoine victorieux suppose qu'il va être libre, en remplissant les charges de son canonicat, de devenir, comme ses confrères, « prudente et discrète personne », et de déterminer, les années venant, quel emploi il fera de ce zèle dont il se sent pénétré. Non, non ! il a eu pitié de l'âme du pauvre, il a tracé lui-même, sans y prendre garde, la route de son voyage : il entrera dans la peine magnifique et sans fiu, car la misère, qui n'a jamais assez d'amis, est bien jalouse de ceux qu'elle a. 11 a juré d'aimer les pauvres ; il ira bien plus loin : il deviendra l'un d'eux. C'est la merveille de la loi de charité. Au temps antique, les esclaves étaient sans amis. Depuis lors, il s'est trouvé des hommes et des femmes, en chaque siècle, non seulement pour aimer les pauvres, mais pour aimer la pauvreté. Au XVIIe siècle, qui eut à réparer tant de maux du siècle précédent, les gamins des villes ou des villages qui n'avaient pas de quoi payer le maitre d'école, demeuraient le plus souvent |