958 REVUE DES DEUX MONDES. nople devient de plus en plus précaire ; le patriarche n'a en effet, sur les Églises nationales autocéphales de Russie, de Serbie, de Roumanie, de Bulgarie et même de Grèce, qu'une primauté d'honneur sans juridiction ; la Roumanie vient même d'élever le métropolite de son lglise à la dignité de patriarche. La disparition des Grecs de l'Empire ottoman, en dispersant le troupeau, frappe le pasteur qui n'a plus sous sa houlette que les Grecs de Constantinople, ceux de Thrace et de Macédoine grecque. En rendant impossible au patriarche la résidence au Fanar, les Turcs espèrent détruire, dans leur ancienne capitale, le dernier vestige de la grandeur chrétienne. Il n'est pas étonnant que le gouvernement d'Angora qui a supprimé le califat musulman cherche à expulser le patriarcat chrétien ; il est laïcisateur jusqu'à l'absurde. En Grèce, à la nouvelle de l'expulsion, l'émotion fut vive ; on parla de mobilisation, d'ultimatum. Les diplomaties occidentales intervinrent pour recommander le calme et la modération à Athènes comme à Angora. Les ambassadeurs turcs à Londres et à Paris reçurent l'ordre d'avertir les Gouvernements anglais et français que toute démarche pour la rentrée du patriarche Constantin à Constantinople serait considérée comme un acte inamical. Les Turcs profitent jusqu'à l'abus des intentions pacifiques de l'Europe et cherchent à grandir, par un succès diplomatique apparent, le renom de leur puissance parmi les musulmans du monde dont ils encouragent les tendances xénophobes. Le gouvernement d'Athènes se propose de soumettre le différend soit au Conseil de la Société des nations soit à la Cour permanente de La Haye ; même d'un débat juridique peuvent sortir de grosses complications politiques. Pour le moment, de toutes les parties du monde chrétien, les sympathies vont au prélat errant qui incarne, avec de glorieux souvenirs, l'ombre de ce qui fut l'un des grands pouvoirs spirituels chargés de conduire le troupeau du Christ ; et, en présence de cette grande tribulation des églises de Russie et de Byzance, la catholicité s'émeut et se demande si le temps ne serait pas venu, pour les chrétientés d'Orient, d'oublier les griefs archaïques de Photius et de Michel Cérulaire pour dresser, en face des puissances de destruction, le front unique de l'Évangile. Le Directeur-Gérant : RENÉ DOuMIc. RENÉ PINON. |