954 REVUE DES DEUX MONDES. signalé la reconstitution au mépris des traités, est une institution à la fois scientifique par ses méthodes de travail et féodale par son recrutement social. On ne tuera en Allemagne l'esprit de guerre que si l'on parvient à déprussianiser l'esprit allemand. « Avoir désarmé les mains, ce n'est rien tant qu'on n'a pas désarmé les esprits, les volontés et les âmes. » C'est un résultat que l'on ne peut espérer obtenir à brève échéance ; il y faudra de longues années. Il n'y a pas de système diplomatique ou contractuel qui puisse supprimer ce que M. Romier appelle si justement « le rapport de masses », c'est-à-dire le fait que l'Allemagne a vingt millions d'habitants de plus que la France. M. Herriot cherche les conditions de la sécurité française. Tant que notre armée est sur le Rhin la sécurité est réalisée, non seulement pour nous mais pour tous les États européens signataires du traité de Versailles. La France ne veut ni faire de l'impérialisme, ni annexer un morceau quelconque de territoire, mais elle entend travailler en paix. M. Herriot prononce, au milieu des applaudissements, cette phrase dont il faut prendre acte : « Ce qu'il est indispensable de dire, c'est que notre installation sur le Rhin est la condition essentielle et peut-être même, hélas ! la condition dernière de notre sécurité. » D'ailleurs « l'acceptation par la France du régime actuel du Rhin est la conséquence de promesses qu'on nous avait faites de nous donner des traités de garantie ; » le Président du conseil rappelle les faits et les dates qui prouvent que « le régime de l'occupation de la rive gauche du Rhin a été lié aux traités de garantie ». Les États-Unis et l'Angleterre ne nous ont pas donné la certitude de leur concours ; ils restent donc nos débiteurs. « Lorsque mon pays est engagé et menacé à ce point, j'ai le droit de me tourner vers nos alliés et vers nos amis, et de leur dire : lisez vous-mêmes les textes, et voyez si votre parole n'a pas été engagée. » Ainsi, tout se ramène à l'insoluble problème de l'alliance francoanglaise. M. Herriot a raison de dire : « la simple assurance qu'une agression de l'Allemagne se heurterait à la résistance des États-Unis et de l'Angleterre la rendrait impossible » ; mais il faudrait ajouter que cet, engagement, l'Empire britannique, c'est-à dire l'Angleterre avec ses Dominions, ne le prendra jamais, car telle est la loi des peuples insulaires et des dominations maritimes. De plus il faut toujours spécifier que la garantie de la paix européenne est dans le respect des traités qui organisent l'Europe orientale, notamment la Pologne et la Roumanie. Une agression allemande en Haute-Silésie ou dans le « corridor » de Dantzig serait exactement l'équivalent |