950 REVUE DES DEUX MONDES. servi contre l'intérêt national l'intérêt d'un parti ». Et c'est M. l'abbé Lemire qui, en quelques phrases heureuses, résume toute la substance de la grande tradition française : « Un ambassadeur là-bas, c'est un prolongement de la France ; c'est le Pape protégé dans son rôle de pacificateur... I1 faut que nous soyons à Rome pour y parler haut et ferme. » On vote enfin : 314 voix se prononcent pour la suppression de l'ambassade, 250 contre ; une trentaine de députés, qui votent habituellement avec le Gouvernement, se sont séparés de lui ; la plupart sont des hommes à qui l'expérience des affaires ou une haute culture a donné le sens des responsabilités, radicaux ou républicains-socialistes, tels que MM. Briand, Loucheur, Georges Leygues, et un seul radical-socialiste, M. J. Duboin. Le lendemain, après négociations et pourparlers, la majorité, 317 voix contre 246, adopte un chapitre additionnel 61 bis du budget des Affaires étrangères pour « application du Concordat aux trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ». Le cartel tout entier reste fidèle à son chef ; la droite et le centre rejettent une solution bâtarde et insuffisante, humiliante pour la France, dont les inconvénients leur paraissent surpasser les avantages. A considérer les choses de plus loin et de plus haut, toute solution qui n'est pas la rupture définitive et complète apparaît comme un moindre mal. Sur le fossé que les haines sectaires travaillent à creuser entre Rome et la France, une passerelle subsiste qui peut être utilisée jusqu'au jour où les faits viendront, comme après la rupture de 1905, prouver la nécessité de « causer » avec le Vatican et, quand on y entre, de n'y pas pénétrer par l'escalier de service. L'instrument de paix religieuse qu'était le Concordat, qu'il aurait mieux valu rajeunir que supprimer, va, une fois encore, sur un terrain difficile, faire ses preuves. Les catholiques, le clergé et les congrégations d'Alsace et de Lorraine ont toujours été, depuis 1871, à la tête de ceux qui voulaient rester Français ; il est d'un heureux symbolisme, — comme le dit M. Goyau dans le Figaro, — qu'entre la France et le Saint-Siège, la liaison se maintienne par l'Alsace et la Lorraine. L'avenir dira si l'expédient de M. Herriot est la pierre d'attente de l'édifice à reconstruire, ou bien le dernier et précaire vestige de ce qui fut le rayonnement historique du catholicisme français. Pour le moment, les inconvénients de cette solution boiteuse sautent aux yeux. Il est déplorable de donner auxppro\inces si heureusement désannexées une représentation spéciale ; c'est encou- |