CORRESPONDANCE Monsieur le Directeur, Le 1°'février 1925. La Revue des Deux Mondes a publié le t5 janvier dernier la troisième partie des Mémoires du duc de Broglie. J'y relève, à la page 341, des appréciations de nature à porter atteinte à la mémoire de mon aïeul le général comte de Boigne. Il est regrettable que le duc de Broglie s'en soit fait l'écho et qu'il en ait attribué l'origine aux récits faits par Mme de Boigne dans ses Mémoires. Le paragraphe contre lequel je proteste commence en effet par ces mots : « Elle y raconte elle-même... » Or, si dans les Récits d'une tante Mme de Boigne a intentionnellement vieilli le général et a raconté des choses peu obligeantes sur son compte, dans le dessein de justifier l'étonnante désinvolture avec laquelle elle sut éluder tous les engagements pris envers son mari, jamais elle n'a dit qu'il fùt un aventurier de la plus basse extraction, ni qu'il ait reçu de l'argent anglais pour trahir son souverain Sindhia. Il est facile d'ailleurs de réfuter ces accusations. Benoît Leborgne était fils d'un honorable négociant en pelleteries de Chambéry. Sa mère, née Gabet, appartenait à la plus ancienne bourgeoisie. Ayant débuté comme enseigne dans un régiment irlandais en France, il chercha vite un terrain où pussent s'épanouir son infatigable activité et ses prodigieuses capacités militaires. Entré au service du rajah Sindhia, il sut, en peu d'années, lui constituer une puissante armée, battre tous ses voisins et ramener dans le royaume, par son habile organisation, une prospérité dont son souverain le fit largement profiter. Quand il quitta l'Inde, il laissait Sindhia à l'apogée de sa |