900 It% 'UE DES DEUX moNDEs. ment ouvert la place Grammont, et la place Royale, prolongée jusqu'au bord du plateau, s'ornait de la statue de Louis XIV, audessous de laquelle le particularisme béarnais avait tenu à inscrire cette formule : Aici lou petit-hilh d,)u nouste lienric, voici le petit-fils de notre Henri. Mais les dix-huit rues qui séparaient les pâtés de maisons étaient étroites et tortueuses ; en descendant vers le Gave, on ne rencontrait guère que des masures, et des places sordides, où, à la fin de la belle saison, les troupeaux de la vallée d'Ossau se reposaient avant de se répandre dans les landes du Pont-Long. Le château lui-même, où une partie du 558 allait cantonner, était sombre et lugubre. On y parvenait par un vieux pont étroit, couvert de lierre ; il aboutissait lui-même à une poterne percée dans une haute muraille formée de briques et de cailloux du Gave. On eût dit qu'on entrait dans une prison. De plus, on était en droit de se demander dans quel état d'esprit les Palois accueilleraient ce régiment ardemment royaliste, et qui, justement à cause de ses opinions, pareilles à celles des Vendéens et de la Garde, avait été désigné pour la guerre d'Espagne. Les éléments libéraux étaient nombreux et remuants dans la cité d'Henri IV. Ils avaient à leur tête un certain Beauvais-Poque, originaire de Pontacq (Basses-Pyrénées), une espèce de bretteur qu'on avait surnommé « le Roi des Halles ». Redouté des représentants du pouvoir, il ne cherchait que des occasions d'esclandre. Récemment, à ce que l'on racontait, il avait fait le voyage de Bayonne, tout exprès pour se battre en duel avec un officier de la Garde. Un régiment comme le 55e ne pouvait pas attendre beaucoup de sympathie d'une population à la merci de cet agitateur. Aussi la réception du régiment, à Pau, n'eut-elle rien de triomphal. Les soldats, poudreux et harassés, défilaient sous l'oeil indifférent, ironique ou méfiant des Palois et se hâtaient d'arriver à leurs cantonnements. Les officiers s'évertuaient à porter beau, à imposer le respect à la foule, et jetaient sur elle un regard martial et dédaigneux. Un seul avait adopté une attitude bien différente. Chevauchant d'un air lointain et rêveur à la tête de sa compagnie, un jeune capitaine, aux longs cheveux blonds, aux yeux bleu de mer, à la bouche légèrement entr'ouverte, ne cachait ni son ennui, ni son dégoût. Il avait l'air aussi peu militaire que. |