816 REVUE DES DEUX MONDES. vantent complaisamment les qualités de la main d'oeuvre « c'est, écrivent-ils, la meilleure, la plus assidue, la plus disciplinée de l'Europe ; son rendement avait diminué après la guerre, il s'est déjà intensifié ; une meilleure alimentation permet à l'ouvrier de fournir une somme de travail plus considérable ; nous avons à notre disposition un outillage excellent, le meilleur de l'Europe, et le rythme de notre fabrication est plus rapide que celui de la France. » D'autres rappellent que, pendant la guerre, l'Allemagne avait orienté vers les écoles techniques, industrielles et commerciales, les jeunes gens de 14, 15, 16 ans, trop jeunes pour aller se battre. Ces jeunes gens, devenus aujourd'hui des hommes, sont d'excellents auxiliaires pour aider les industriels à marcher de nouveau à la conquête du monde. D'autres enfin parlent de la forte natalité des populations germaniques. En quatre ans, l'excédent des naissances sur les décès a été de 2170 000. Ainsi, l'Allemagne a largement compensé les pertes que la guerre lui a infligées ! Pendant la même période, l'excédent des naissances sur les décès a été, en France, de moins de 150 000 ; nous n'avons pas même retrouvé la dixième partie des vies humaines que nous avons perdues ! Toutes ces constatations inspirent aux vaincus d'hier un sentiment d'orgueil inimaginable. L'orgueil conduit facilement à la haine et prédispose à la violence. Il y a, disait autrefois Nietzsche, une vertu dans la violence : du moins, les Allemands en sont persuadés et s'inspirent des conseils de leur philosophe. L'attitude de leurs délégués dans les négociations commerciales, qu'ils ont fait traîner en longueur, est significative. Le Gouvernement voudrait se servir du traité de commerce comme d'une arme politique ; le ton hautain des représentants de l'industrie lourde, Scfiwerindustrie, est d'autant plus inquiétant qu'ils s'entendent avec les grands propriétaires fonciers, pour paralyser les forces de l'opposition. Ils cherchent, par des mesures de protection à outrance, à s'assurer le monopole du marché intérieur. Et s'ils acceptent de recevoir en Allemagne une certaine quantité de produits métallurgiques français, c'est à la condition que ces produits leur soient livrés en vertu de contrats « privés » conclus en dehors de tout traité de commerce. Ils ne cachent pas leur désir de favoriser l'industrie sarroise au détriment de l'industrie lorraine ; ils sont prêts à faire les sacrifices qu'il faudra pour conquérir une position |