86$ REVUE DES DEUX MONDES. les pays à change élevé, leur oeuvre de pénétration à l'étranger. Ils ont eu grand soin de ne pas ramener en Allemagne l'argent qu'ils gagnaient de cette manière ; cet argent fut placé par eux dans des entreprises de toute sorte, dans celles surtout qui purent fournir à leurs usines les matières premières dont ces usines avaient besoin. Des milliers d'industriels ont ainsi réalisé un double bénéfice. Ils ont été puissamment aidés, il faut le dire, par les nombreux Allemands établis dans tous les pays du monde. Il semble que nous ayons soudain oublié, quand la guerre a pris fin, qu'il y'a plus de 14 millions d'Allemands aux États-Unis ; il y en a un million et demi dans les autres États de l'Amérique ; il y en a des milliers dans toutes les villes de commerce un peu importantes de l'univers. La « belle France » les attire de nouveau : ils reviennent en grand nombre dans notre pays. Les magnats de l'industrie allemande se sont enrichis d'autant plus aisément que les impôts qu'ils avaient à payer, par suite de la baisse constante du mark, étaient insignifiants. Dès 1920, beaucoup de gens se sont imaginés que le mark allait inévitablement remonter et ont, dans cet espoir, acheté d'énormes quantités de marks, dont les Allemands se sont dessaisis avec empressement, en échange d'excellentes devises étrangères qui leur sont aujourd'hui fort utiles. Toutes les banques de l'Allemagne, depuis la banque d'Empire jusqu'aux plus modestes établissements financiers, en ont de grosses provisions. Il est à peine besoin de faire remarquer que bon nombre d'Allemands ont été victimes de ces procédés. Les petits rentiers, les retraités, la plupart des personnes qui n'avaient que des revenus fixes ont été à peu près ruinées. La veuve d'un riche avocat, qui avait largement souscrit à divers emprunts, emprunts d'État et emprunts communaux, m'expliquait dernièrement comment, ayant été remboursée à l'époque où le mark ne valait déjà plus que 2 ou 3 centimes, elle avait vu peu à peu ses revenus diminuer des 99/100es. Les ouvriers ont été beaucoup moins éprouvés que les classes moyennes ; ils ont d'ailleurs accepté avec résignation une augmentation du coût de la vie qui était supérieure à l'augmentation des salaires ; ils ont été pleins d'indulgence pour les industriels qui s'enrichissaient d'une façon fabuleuse, pour cette raison dont j'ai recueilli |